La porte du vent – Jean-Marc Souvira

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2023 – Fleuve Éditions
Genres :
Mafieux, roman noir, historique, récit de guerre
Personnages principaux :
Paul Dalmate, commandant de police à Paris – Zhang, jeune chinois

À Paris, les mafias juive et chinoise s’entendaient pour faire ensemble des affaires. À la suite d’un désaccord sur un nouveau trafic, une guerre se déclenche entre elles. Il y a des morts côté juif, ce qui entraîne des représailles et des morts côté chinois. La spirale des règlements de compte et des vengeances est enclenchée. Elle continue à faire des morts dans chaque camp, jusqu’à ce que deux vieillards, l’un venu d’Israël, l’autre de Chine, viennent calmer les hostilités. Chacun d’eux est à la tête d’une organisation mondiale du crime organisé. Ils se connaissent, s’apprécient et ont la mémoire des liens qui se sont tissés entre leurs communautés qui remontent à la Première Guerre mondiale. Ils ont décidé ensemble de rétablir l’ordre et de restaurer une entente récemment détruite.

Dans une intrigue dense, l’auteur remonte le temps et nous fait passer de la petite guerre des mafias à la Grande Guerre où tout a commencé. Souvira fait référence à un évènement historique : 140 000 travailleurs chinois sont venus en France à partir de 1916 dans les armées française et britannique pour effectuer des travaux de terrassement ou travailler en usine. Ils y ont rencontré des juifs qui étaient incorporés dans l’armée française ainsi que d’autres travailleurs étrangers, des noirs américains, les Harlem Hellfighters, qui se sont distingués par leur courage sur le front. Des liens de solidarité et d’amitié se sont créés entre eux, ils ont perduré et évolué sur forme d’associations criminelles. Les vieux, maintenant à la tête de ces organisations, se sont transmis le souvenir de l’origine de cette entente. Les jeunes ne l’ont jamais su.

C’est ainsi que les papys mafiosi venus de leur pays respectif se sont installés dans un hôtel de luxe de la place de La Concorde à Paris. Là, ils délivrent quantité d’arrêts de mort, faisant force sourires et courbettes, buvant du thé haut de gamme. Avoir des centaines de morts sur la conscience ne les trouble pas le moins du monde, bien au contraire, tant que leur place, les règles établies et la cérémonie du thé sont respectées.

Pour un ancien policier, Souvira ne donne pas une image bien reluisante de la police : dans cet engrenage d’assassinats et de vengeances, la police en est réduite à compter les points, malgré la détermination et la compétence du commandant Dalmate. Pas vraiment brillante la police française, infiltrée par une taupe qui remonte toutes les avancées de l’enquête aux chefs mafieux et même pas foutue de protéger l’un des siens en pointe sur les investigations.

Souvira accorde de l’importance à la religion juive dans ce roman. il décrit ses rites, les prières, le deuil. Il crée même en la personne de Zhang le juif chinois. L’appartenance à cette communauté n’apporte pas forcément la sérénité, puisque certains de leurs membres n’attendent que la mort d’un des leurs pour s’approprier aussitôt leurs affaires, et qu’ils n’hésitent pas pour cela à accélérer le processus en le faisant flinguer. Mais Zhang, lui, est un érudit, un être rayonnant qui ne fait que le bien.

La porte du vent ne serait qu’un polar de plus sur les mafias si l’auteur n’avait eu la bonne idée d’y incorporer une grosse partie historique qui apporte une note tout à fait originale tout en expliquant comment deux communautés aussi différentes que les Juifs et les Chinois ont pu collaborer.

Extrait :
Zhang acquiesça, touché, et reprit :

— David, ce n’est pas moi qui vous ai rassemblés, c’est la guerre. Oui je suis juif et chinois et j’ai appris de nos deux civilisations. Mais nous avons tous, ici, en commun l’espoir. L’espoir, pour les cent quarante mille Chinois qui ont été recrutés, de permettre à la Chine de gagner en rayonnement. Pour les Juifs, d’être considérés comme des patriotes dans leur propre pays. Et pour les Noirs américains, d’être respectés autant que les Blancs quand vous rentrerez au pays. Tous les morts se valent.

Il inséra dans le lecteur du salon le CD de la bande originale du film In the Mood for Love et se laissa gagner, debout, par la magie de cette musique qui doucement l’envoûta.

Musique du film In the Mood for Love

Travailleurs chinois pendant la guerre 1914-1918

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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