La huitième vibration – Carlo Lucarelli

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2008 (L’Ottava vibrazione)
Date de publication française : 2010 (ÉditionsMétailié)
Genres : Historique – Aventures – Amour
Personnages principaux : Trop nombreux pour les citer

Dans la fin des années 1890, une communauté de colons italiens s’est installée dans l’Érythrée. Il y a parmi eux des soldats et des fonctionnaires entourés de leurs serviteurs indigènes. Les hommes se divertissent en picolant, en baisant des putains noires et les femmes de leurs compatriotes. Tout ça sous une chaleur accablante, dans un pays plein d’odeurs et de bruits. Les différents membres de ce microcosme sont là pour des motivations très diverses. Il y a le soldat qui est impatient d’en découdre avec la résistance, l’entrepreneur qui rêve de grands projets pour l’Érythrée et d’autres qui ont des préoccupations secrètes moins avouables.

Les personnages nombreux. Heureusement un index des personnages placé en début permet de s’y retrouver. Le récit se divise en plusieurs histoires qui se déroulent en parallèle :
– la guerre du détachement militaire italien contre les troupes du Négus,
– une histoire d’amour sulfureuse entre un commis colonial et l’épouse d’un autre,
– la traque d’un assassin d’enfant par un brigadier des carabiniers.

L’auteur dépeint longuement le cadre. Il s’attarde sur la description de cette ambiance étouffante. C’est très sensuel, non seulement Lucarelli suggère les images mais aussi les bruits, les odeurs, la chaleur et la poussière. Il parvient bien à créer un climat de décadence qui prépare la suite du récit dont le terme est un fait historique : la bataille d’Adoua, première défaite d’une armée blanche devant des troupes africaines.

Une manie de l’auteur est de détailler la prononciation des phrases dans les divers accents des dialectes locaux ou ceux des régions italiennes. Exemple : «… en aspirant à peine les h et en poussant fort sur les r et sur les c… ». De nombreux mots empruntés aux dialectes locaux émaillent le récit sans toujours être traduits: zaptié, kunama, barambarà, amba, ghehannèm, galamuatà …Cela rend la lecture laborieuse et donne l’impression que le récit manque de rythme, d’autant plus que l’action n’arrive que tard dans les histoires. La partie finale est plus enlevée mais elle vient tard dans la narration. Ce roman est un aggloméré de plusieurs histoires de genres différents : historique, guerre, amour, policier. Passer de l’une à l’autre casse un peu le tempo qui ne s’accélère que vers la fin. A côté de ces réserves, de grandes qualités : l’ambiance coloniale est parfaitement recréée, les comportements sont finement rendus et parfois une touche d’humour détend l’atmosphère. Une ironie désenchantée termine le roman sur une note nostalgique un peu amère.

Ce livre n’est pas vraiment un polar mais peu importe, c’est un bon roman. Cependant les amateurs de polars purs et durs et ceux qui aiment les thrillers haletants risquent de ne pas aimer le rythme lent et l’ambiance de décadence du récit. Les amateurs de bonne littérature en général apprécieront ce roman dont le titre énigmatique n’est expliqué qu’à la dernière page, hors récit.

Ma note : 4 out of 5 stars (4 / 5)

 

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4 réponses à La huitième vibration – Carlo Lucarelli

  1. bonjour, pourriez-vous me donner je vous prie la référence de la photographie que vous publiez à la fin de votre billet. Bien à vous, HF

  2. Athalie dit :

    Alors là, je note des deux mains tant ce que vous dites de ce roman me rappelle "L'île de l'ange déchu", le rythme lent mais une ambiance prégnante, une sorte de décadence, l'insertion de l'histoire dans une histoire italienne trouble, et surtout un très bon roman (du même auteur). Merci pour le conseil ! En plus, j'ai lu cet été "Black mamba boy" de Nadifa Mohamed, lecture qui ne m'a pas vraiment décoiffée, mais qui pointe du doigt la même période historique un peu oubliée et très trouble, aussi, me semble-t-il du haut de ma méconnaissance ….

    • Ray dit :

      Merci Athalie pour ce commentaire. Je n'ai pas lu L’île de l’ange déchu et d'ailleurs je ne connaissais pas Carlo Lucarelli avant que je le découvre au Marathon des mots de Toulouse. C'est un type sympa, plein d'humour, qui m'a donné envie de lire ses bouquins.

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