Bleus, Blancs, Rouges – Benjamin Dierstein

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2025 – Flammarion
Genres : policier, politique, historique, roman noir
Personnages principaux :
Marco Paolini et Jacquie Lienard, jeunes inspecteurs de police – Robert Vauthier, mercenaire – Jean-Louis Gourvennec, brigadier infiltré dans un groupuscule gauchiste

À Cannes-Écluses, l’École Nationale Supérieure de la Police, Jacquie Lienard et Marco Paolini, sont en compétition féroce pour finir major de leur promotion. Ce sera Marco qui décrochera la timbale bien que Jacquie soit plus brillante que lui, mais Marco n’a pas hésité à la dénoncer lorsqu’elle a fait le mur. Le blâme qu’elle a reçu a permis à son rival de la doubler in extremis. C’est donc Marco qui obtiendra la seule et très convoitée place à l’Antigang alors que Jacquie devra se contenter des RG (Renseignements Généraux). Mais la compétition entre eux se continue sous la forme d’une guerre des polices dans la traque de Geronimo, un activiste gauchiste et celle de Jacques Mesrine, l’ennemi public numéro 1 qui a réussi à s’évader. Pendant ce temps Vauthier, un mercenaire, ancien garde du corps de Giscard d’Estaing, revient d’Afrique avec la ferme intention de s’approprier les hauts lieux de la nuit parisienne. Ces personnages vont se retrouver dans les mêmes endroits, à Paris, dans les années 1978 et 1979, sous la présidence d’un Valéry Giscard d’Estaing compromis dans des amitiés sulfureuses avec des chefs d’états africains.

L’auteur nous décrit un monde où la guerre des polices fait rage pour atteindre des objectifs qui mettront les chefs sous les feux des projecteurs. Les stars de la police soignent leur image à l’instar des très médiatiques commissaires Robert Broussart, chef de l’Antigang, ou Pierre Ottavioli de la Brigade criminelle. La pègre de son côté prospère en exploitant les boîtes de nuit, les cabarets, tous les lieux où se retrouve la jet-set parisienne. Nous croisons beaucoup de personnages connus, entre autres : Alain Delon, Mireille Darc, Serge Gainsbourg, Yves Mourousi, Thierry Le Luron, Robert de Niro, Catherine Deneuve, Gérard Depardieu … Les frontières entre la police et la pègre sont floues, et bien souvent, les policiers eux-mêmes sont impliqués dans des activités criminelles. Certains, comme le commissaire Cointurier dit Coin-Coin, utilisent leur pouvoir pour faire chanter des patrons de boîtes, où pour protéger les intérêts de ceux qui lui versent une redevance.

Valéry Giscard d’Estaing et Jean-Bedel Bokassa

La politique est aussi omniprésente avec un Président Valéry Giscard d’Estaing, surnommé le Monarque, amateur de chasses au gros gibier, de diamants et de belles femmes. Nous rencontrons également Jean-Bedel Bokassa et son épouse Catherine, Omar Bongo et son épouse Marie-Joséphine, Jacques Chirac, Raymond Barre, François Mitterrand, Georges Pompidou, Bernard Tapie, entre autres. Nous apprenons aussi comment le ministre Robert Boulin s’est « suicidé » et comment l’increvable Kadhafi a échappé à de multiples attentats.

L’écriture est tonique, proche du langage parlé, avec des dialogues savoureux et des mots très crus. Bref, on ne s’ennuie pas.

Ce roman est le premier tome d’une trilogie historique qui débute en 1978. C’est un roman très dense et touffu avec beaucoup de personnages et énormément de sigles. Sur presque 800 pages, cela demande une attention soutenue. Heureusement en fin d’ouvrage se trouvent l’index de tous les personnages ainsi qu’un dictionnaire des sigles.

Ce livre est une performance, c’est une réécriture romancée de l’histoire, avec beaucoup de précisions et de détails qui ont dû demander une documentation énorme comme en témoigne l’abondante bibliographie qui se trouve à la fin du livre.

Bleus, Blancs, Rouges est un roman ample et intense sur l’histoire de France récente vue de façon truculente par Benjamin Dierstein.

Extrait :
Leur business était sur le point de se transformer. Le Caprice et le Black & White avaient rouvert. Stanislas Desjardins avait annoncé sans pédés vous ne ferez rien. Dave avait affirmé il a raison – les homos, c’est le futur. Journiac avait dit je veux des beaux gosses bien membrés qui sont prêts à lécher les founes de Marie-Jo et de l’impératrice Catherine. Desjardins avait été chargé de recruter des beaux garçons – une moitié était gay et l’autre s’occupait des dames riches.

C’était la nouvelle stratégie – se diversifier pour se différencier et changer de produits pour éviter la concurrence directe. La moitié des filles avaient été virées. Des poules de luxe avaient été embauchées à la place. Désormais, ils visaient plus haut – ils voulaient changer de clientèle – passer à la gamme au-dessus – de la passe à mille balles à la pipe à dix mille balles.
Dave lui avait fait un topo sur le monde moderne – c’est fini le délire manichéen, plus personne n’en a rien à foutre de la guerre d’Algérie.
Il lui avait dit plus personne n’en a rien à foutre des valeurs, ni de la politique. Il avait ajouté il faut penser pognon, Vauthier. Il avait affirmé c’est fini les années soixante-dix, on entre dans les années quatre-vingt. Il avait conclu le futur est là, à notre porte, tu le vois ?

Le disquaire passait Rasputin de Boney M

Boney M – Rasputin

Niveau de satisfaction :
4.4 out of 5 stars (4,4 / 5)

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