Le dieu des bois – Liz Moore

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2024 (The God of the Woods)
Date de publication française :
2025 – Buchet/Chatel
Traduction (américain) : Alice Delarbre
Genres : Mystère, grands espaces, enquête
Personnage principal :
Aucun, mais nombreux personnages secondaires importants

Le camp Emerson, au cœur des monts Adirondacks, est une colonie de vacances pour adolescents. Elle connaît un grand succès, les parents apprécient que l’on apprenne à leurs enfants des techniques de survie dans la nature. Cette colonie et tous les alentours appartiennent à la puissante famille des Van Laar. La règle d’or du camp est : Si vous vous perdez, asseyez-vous et criez. Elle est affichée dans tous les espaces communs. Ce qui n’a pas empêché, quinze ans plus tôt, le jeune Bear fils de Peter et Alice Van Laar propriétaires des lieux, de disparaître après une sortie en forêt avec son grand-père. Ce matin d’août 1975, on constate une nouvelle disparition : celle de Barbara Van Laar. Cette fois c’est la fille de la riche famille qui manque à l’appel. Les recherches sont lancées, la police est prévenue, des battues sont organisées. Si on ne retrouve pas Barbara, ce sera les deux enfants de la même famille qui auront mystérieusement disparu. Une malédiction semble frapper les fortunés Van Laar.

L’intrigue se déroule sur plusieurs années non contigües : 1950, 1961, 1973 et 1975, avec des allers-retours fréquents entre le passé et le présent. À cela il faut ajouter une dizaine de narrateurs ou narratrices qui prennent la parole à tour de rôle. Cela induit une certaine complexité qui demande une attention soutenue. L’avantage du procédé c’est la vision large et complète de l’histoire qui se dégage au fur et à mesure que l’on avance dans le récit. L’autrice joue habilement avec les points de vue des différents personnages, ce qu’on croyait à un moment donné est remis en question quelques chapitres plus loin. C’est avec une belle maîtrise qu’elle promène le lecteur.

Les personnages sont finement ciselés, que ce soit les riches et hautains Van Laar, leur fille rebelle Barbara, Tracy grande gigue en manque de confiance, la policière débutante Judita, T.J. la directrice mystérieuse et androgyne, Jacob le tueur en série qui vient de s’évader, et quelques autres. Tous ont une belle profondeur psychologique et sont solidement campés.

Le cadre, les monts Adirondacks, tient une place importante dans ce roman, il crée une ambiance particulière, avec à la fois une impression d’immensité et une sensation d’angoisse accentuée par les disparitions. Le domaine est situé en pleine nature. Les bois qui entourent le camp sont aussi attirants que dangereux par leur densité. Un lac est à proximité. La résidence des Van Laar, un édifice colossal nommé Compter-Sur-Soi, est posée au sommet d’une éminence qui permet de dominer tout ce qui l’entoure, comme le font leurs propriétaires.

Au passage, l’autrice incrimine le comportement arrogant des riches qui contrairement aux apparences ont toujours eu besoin des autres pour garder leur position. Les femmes sont soumises aux hommes qui ont la fortune et donc le pouvoir. Ces gens ne sont pas des bienfaiteurs, mais des profiteurs.

Le dieu des bois est un roman captivant, foisonnant et plein de surprises. Il est remarquable par son décor, son ambiance et une belle galerie de personnages.

Extrait :
T. J. Hewitt se tourne à présent vers la seule fenêtre de la pièce. Elle est trop haute pour qu’on puisse apercevoir les bâtiments voisins ou même les arbres, et pourtant elle les cherche, ses yeux vont et viennent rapidement. Elle respire profondément, le visage levé vers le ciel dégagé.

Que deviendront les Hewitt, se demande Judy, s’ils perdent la colonie ? Si les Van Laar les déshéritent, ainsi qu’ils ne manqueront sans doute pas de le faire, sectionnant le fil ténu, vieux de plusieurs décennies, entre les Hewitt et eux, noué par Peter I ?
Elle répond à sa propre question : tout ira bien pour elle. Pour eux. Les Hewitt, comme Judy, comme Louise Donnadieu, comme Denny Hayes même, n’ont besoin de personne, ils savent se débrouiller seuls.
Ce sont les Van Laar, et les familles de ce genre, qui ont toujours eu besoin des autres.

Bois des Adirondacks

Niveau de satisfaction :
4.3 out of 5 stars (4,3 / 5)

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