Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2024 (Fayard, 10/18)
Genres : Noir, historique, enquête
Personnage principal : Émile Blanche, étudiant en médecine
C’est le premier roman de Diane Morel et j’espère que ce ne sera pas le dernier. J’ai été attiré par le fait que c’était un roman historique qui tournait autour de Gérard de Nerval et de certains de ses amis comme Théophile Gauthier, poètes qualifiés de romantiques mais, contrairement à Lamartine, Vigny ou Hugo, préfigurant les surréalistes. Pour nous, ils évoquaient également la Bohème (ou les Hippies) des années 60-70 dans leur façon de se vêtir et de se comporter.
Ceci dit, je n’apprécie pas qu’une intrigue policière soit noyée dans un contexte psychologique ou historique. Heureusement, ce n’est pas le cas ici, même si les références historiques sont authentiques. Gérard de Nerval arrive énervé et ensanglanté chez le docteur Blanche; on l’immobilise dans un gilet de force; et il demande à parler à Émile, le fils du docteur Blanche. Peu de temps après, on découvre le cadavre de son amie Flore. Nerval croit qu’il l’a peut-être tuée. Mais sa confusion le rend peu crédible. A-t-il été témoin du meurtre ?
Émile entreprend l’enquête avec quelques amis de Gérard comme Théophile Gauthier. Et surtout avec la servante de sa mère, la belle Séverine, dont il tombera amoureux. L’assassinat de Flore semble lié à une sorte de trafic de cadavres qui permettent aux étudiants en médecine de pratiquer des incisions de toutes sortes. Les assassinats se multiplient, mais l’enquête d’Émile est ralentie par l’autorité de son père qui n’apprécie ni ses inconduites avec Séverine ni ses recherches policières pourtant appréciées par les forces de l’ordre.
L’intrigue policière est fortement imbriquée dans la vie des étudiants en médecine et des amis de Gérard de Nerval, la part du lion revenant clairement à Théophile Gauthier. Mais, au lieu de détourner la recherche de l’assassin, le contexte donne encore plus de crédibilité aux recherches difficiles d’Émile. Le regard que jette l’auteure sur une partie du XIXe siècle rappelle un peu celui de Fouassier (Bureau des Affaires occultes) et ne manque pas d’intérêt.
Bref, je n’aurais rien contre un certain resserrement, mais ce roman constitue un bon point de départ pour plusieurs autres enquêtes d’Émile même si, encore ébranlé par les résultats de son travail d’enquêteur, il semble vouloir maintenant se consacrer corps et âme à la médecine.
Extrait :
Je sentais qu’il serait long et difficile de regagner la confiance de mes parents. Ils me voyaient comme un fils indigne. Mais c’était loin d’être le cas. Mon seul tort était de résister à leur volonté. De mon côté, il me semblait impossible de leur céder et de faire en sorte que tout redevienne comme avant… Avant quoi ? (…) L’arrivée de Nerval, qui avait tout bousculé dans ma vie? Ou avant Séverine, qui avait ouvert mon âme à des sentiments jamais éprouvés auparavant? Avant Flore, et sa quête de liberté désespérée ? Avant Gauthier, et l’indépendance de corps et d’esprit qu’il incarnait ? «Avant » n’existait plus.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)













