La dernière nuit de Judith – Philippe Beaudoin

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2017 (Guy Saint-Jean, éditeur)
Genre : Enquête
Personnage principal : Léo Déry, détective privé montréalais

Beaudoin a publié en 2011 Fond trouble, un premier roman dont j’ai en vain cherché les traces. La dernière nuit de Judith met en scène, pour la première fois, le détective Léo Déry, un gars dans la quarantaine, mais qui donne l’impression d’être un jeunot, sans trop d’expérience et plutôt naïf. C’est la première enquête sérieuse de Déry. J’ai eu l’impression que c’était le premier roman d’une série, dans laquelle on verrait le détective acquérir de l’expérience et gagner en maturité.

Judith Larocque, une jeune fille de bonne famille, en tout cas d’une famille riche au mari prétentieux et à l’épouse plaisante, est retrouvée assassinée dans une ruelle du bas de la ville, pas loin de la gare Windsor. Comme la police piétine pendant un mois, madame Larocque décide de faire appel au détective Léo Déry. Peu diplomate, Léo ne parvient pas à obtenir beaucoup d’informations de la part d’Anne Pagé, l’amie de Judith, ni de Georges Larocque, le frère de Judith. Quelques pistes sont entrevues : Judith a-t-elle été victime de ses activités féministes ? A-t-elle succombé à une crise de jalousie de son amant noir de Griffintown ? Le Ku Klux Kan est-il mêlé à cette histoire ?

Léo tâtonne du mieux qu’il peut; il parvient à se faire tabasser à quelques occasions, mais s’en savoir vraiment pourquoi. Il amasse quelques témoignages qui vont nous laisser croire que le suspect arrêté est innocent. Ce que le sergent-détective Louvier de la police de Montréal peut difficilement admettre parce que, après tout, le suspect en question est un Noir, ce qui ne plaide pas en sa faveur.

Même quand une deuxième victime est trouvée, les enquêteurs n’ont aucune idée du motif, encore moins du coupable. Heureusement, alors qu’il marchait lentement sur la rue Sainte-Catherine, Léo se fait pousser sur les rails d’un tramway, coincé entre les deux voies, mais sans blessure majeure. Des témoins ont vu le criminel et l’ont poursuivi. La police et Léo prennent la relève et chercheront à le coincer.

La ville de Montréal de l’époque, particulièrement la communauté noire des travailleurs de la gare Windsor, sont reconstituées avec un certain talent. Beaudoin est diplômé en urbanisme et en histoire, précieux atout pour reconstituer le cadre d’une histoire. Évidemment, on se retrouve sur le terrain d’Hervé Gagnon et de Marie-Ève Bourassa (Red Light) : la compétition est forte.

Le rythme est lent et on ne s’attache pas beaucoup aux personnages, sauf à madame Larocque, parce qu’ils frisent souvent la caricature : Beaudoin les décrit de façon excessive (leurs émotions sont démesurées, même dans des situations qui n’en demandent pas tant). L’auteur n’essaie pas de nous charmer par le jeu des nuances; on dirait qu’il veut plutôt nous accrocher par des descriptions dramatiques de situations courantes. Par ailleurs, l’intrigue en soi est correcte, mais le déroulement de l’histoire me semble contenir quelques invraisemblances.

Cela dit, Beaudoin est un auteur relativement jeune dans le domaine des polars, et plusieurs qualités nous rendent curieux de voir ce que deviendra sa prochaine aventure de Déry.

Extrait :
Léo en était donc là. Affalé dans le vieux fauteuil de son minuscule espace de travail, dans l’arrière-boutique de Claudette, il ruminait ses pensées, imaginait toutes sortes de scénarios. Avec ici et là des sueurs froides à l’idée que son enquête tournerait à l’échec. Quelle humiliation ce serait pour lui ! (…)
« Démon, il faut que j’brasse la cage ! », se dit alors Léo avec emportement. Agir, agir, agir, plutôt que de continuer à se faire du mauvais sang et à tourner en rond dans son minuscule bureau. Et pourquoi pas, une fois de plus, suivre le très mystérieux jeune Larocque ? Cette fois-ci, il ne le laisserait pas s’échapper, quitte à le confronter directement sur la rue. On ne jouait pas indéfiniment au chat et à la souris avec lui. C’était une attitude qui, plus que toute autre, usait sa patience !
Voilà, oui, c’est ce qu’il ferait ! Le reste de la journée fut interminable tellement Léo avait hâte de passer à l’action. Sans toutefois savoir à quel point les prochaines heures seraient harassantes et, à plus d’un égard, carrément déstabilisantes.

Rockhead’s Paradise

Niveau de satisfaction :
3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

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