Feux de détresse – Julien Capron

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2019 (Seuil)
Genres : Techno-thriller, anticipation
Personnages principaux : Robin, Léandre et Sixt, membres de la société la Mise à Jour

The C : le plus grand concours de Hight Tech du monde. Cinquante mille candidats – tous les pays du monde représentés – douze équipes retenues pour l’épreuve finale – un seul gagnant – Ambition changer le monde – Célébrité et richesse assurées pour le vainqueur. C’est l’œuvre d’Eduardo Sanchez Garcia, dit Duardo, le créateur de la multinationale loK, leader mondial de la sécurité informatique. Duardo, pour être indépendant des états, a décidé de délocaliser le siège de sa société sur un immense paquebot : l’Excelsior, doté des meilleures technologies assurant la sécurité et le confort. C’est donc sur ce gigantesque palace flottant, que se déroule pendant une semaine entière le fameux concours dont l’audience médiatique est énorme. Des événements inattendus vont perturber la semaine : une succession inexpliquée de passages au rouge des notes de popularité aussi bien des participants que des membres de l’équipage. Or ces notes déterminent les permissions de déplacement dans le bateau : vert – l’accès est permis, rouge – il est verrouillé. L’équipe française créatrice de l’application mondialement utilisée eVal, qui calcule la nOte, est chargée de déterminer la cause de ces passages au rouge incontrôlés.

Le livre nous plonge dans un univers ultra-technologique où tout passe par les téléphones portables. Le comportement social est évalué dans une application eVal qui synthétise la réputation de chaque membre par une couleur : vert, orange ou rouge, comme les feux de circulation. Chacun surveille sa nOte en permanence. Un passage au rouge est une punition pour un comportement non conforme à l’attente générale. Un rouge vous met en marge de la société. L’auteur n’y fait pas allusion mais on ne peut s’empêcher de penser au projet chinois de notation des citoyens prévu pour 2020 1. Donc l’auteur anticipe à peine sur ce sujet. D’autres notions techniques sont développées concernant l’informatique, le big data 2, la protection des données, les virus, les sauvegardes et l’intelligence artificielle. Rassurez-vous tout cela reste très accessible, ce n’est pas du niveau expert et on pardonnera à l’auteur les simplifications et quelques invraisemblances. C’est un roman, pas un traité scientifique.

Dans cette société où tout le monde note tout le monde, le téléphone portable est indispensable. Il permet de s’informer, bien sûr, mais aussi de se déplacer, se nourrir, se distraire, d’assurer des services comme par exemple des traductions instantanées. C’est l’outil qui détermine la position d’un individu dans la société. Dans le polar classique, une victime perd la vie par un acte violent commis contre elle : tir d’arme à feu, coup de couteau … Ici c’est différent car « chacun avait deux corps : le vrai et la nOte eVal. Les coups pouvaient se révéler mortels sur l’un comme sur l’autre. »

L’enquête menée par l’équipe de la Mise à jour est, elle, on ne peut plus classique. Quant à l’indice qui désigne les coupables il est d’une totale banalité qui contraste avec le cadre futuriste. Un indice à l’ancienne !

Une des qualités du roman c’est de mettre en évidence les ravages de la société d’évaluation et de signaler le danger d’une technologie d’avant garde non maîtrisée dans une société déshumanisée.

L’écriture est simple, banale, sans relief. À noter le tic de l’auteur de mélanger majuscules et minuscules dans n’importe quel ordre : loK, eVal, nOte, lAw, PIAcE, sIZE … cela concerne les applications informatiques et les projets technologiques. C’est probablement sensé faire plus techno, plus geek.

Ce n’est pas par ses qualités littéraires que ce livre se distingue, c’est par ce qu’il montre des excès d’une technologie envahissante reléguant au deuxième plan l’intelligence humaine. Il y a dans ce roman une réflexion intéressante sur une évolution de la société qui paraît assez vertigineuse.

2. Le big data, littéralement « grosses données », ou mégadonnées, parfois appelées données massives, désigne des ensembles devenus si volumineux qu’ils dépassent l’intuition et les capacités humaines d’analyse et même celles des outils informatiques classiques de gestion de base de données ou de l’information (source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Big_data)
 

Extrait :
— Au moins, ils visaient eVal. En nous faisant juger par un algorithme, ils ont voulu nous faire prendre conscience du système délirant auquel nous nous soumettons. Ce monde binaire, en Y. Gagner ou perdre. Échouer ou réussir. Bien ou mal. Un monde de résultats sûrs et certains. L’idée est que nous cédons tous nos rôles aux machines. Alors pourquoi pas celui que nous avons arraché à Dieu en mordant dans la pomme ? Celui de juge du bien et du mal ?
— Tu es toujours en train d’analyser leur prétexte idéologique ou tu nous présentes le programme politique de ton nouveau parti ?
Léandre ignora son frère :
— Le souci, ce n’est pas l’intelligence artificielle, c’est le mépris pour notre propre intelligence. Le souci, ce n’est pas qu’on demande aux machines les vérités dont elles sont capables, c’est que nous soyons convaincues qu’elles sont plus vraies que les nôtres. On est des hommes. On ne sait pas. Mais penser sans savoir, c’est justement notre aventure…

L’Excelsior. Un paquebot transatlantique de trois cent quarante-cinq mètres de long, haut comme un immeuble de vingt-trois étages,

Niveau de satisfaction :
3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

 

 

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