Sous la glace – Louise Penny

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2006 (Dead Cold, Canada UK) – (A Fatal Grace ÉU)
Date de publication française : 2011 (Flammarion Québec)
Genre : Enquête policière du type cozy mystery (pantouflard)
Personnages principaux : Armand Gamache, inspecteur-chef à la Sûreté du Québec
Bio-bibliographie :
http://www.louisepenny.com/index_french.htm

Je sais bien que mon collègue Raymond avait émis beaucoup de réserves sur le premier roman de Penny, Nature morte, mais la campagne de publicité sur la femme et l’œuvre est si bien orchestrée que beaucoup de gens en ont redemandé, et j’avoue que, devant une auteure couronnée de tant de prix, ma curiosité avait été émoustillée. Mal m’en pris!

Ce n’est pas facile de dire du mal des romans de Louise Penny, parce que, un peu comme dans le cas de Chrystine Brouillet, la personne derrière le roman semble si sympathique, si sensible, si inoffensive. Dans son autoprésentation, elle se montre reconnaissante envers son mari qui lui a fait connaître l’amour alors qu’elle dépassait la trentaine; elle nous parle des animaux blessés qu’ils adoptent et qu’ils soignent; de la jolie maison de brique qu’ils possèdent dans un village de la Montérégie ou des Cantons de l’Est. De son amour du Québec et de Montréal. Bref, une bien bonne personne à qui personne ne voudrait faire de peine, comme dans les années 60 ces jeunes filles de la JEC (Jeunesse étudiante catholique) aux vertes espérances.

Et pourtant, ça faisait longtemps qu’un roman m’avait autant fatigué. J’ai failli l’abandonner une dizaine de fois. Même des gens qui l’ont aimé ont admis que les 100 premières pages sont franchement plates. Rempli de personnages antipathiques ou insignifiants, le plus souvent mal définis. Un village québécois improbable, qu’il s’agisse des Canadiens comme Gamache qui ne veulent, pour rien au monde, manquer une finale de curling! (voyons donc!), au repas traditionnel du Jour d l’An : des huîtres sur des tranches de pumpernickel. Il est possible que quelques personnes mangent ça, mais je n’ai jamais vu ça ni à Montréal ni à la campagne. Et puis, ça fait bien des lustres qu’on ne boit plus de Dubonnet au Québec! Est-il possible que, dans quelque village isolé entre Cowansville et la frontière américaine d’irréductibles Anglaises vivent encore comme on vivait après la guerre? L’écrivain ontarien Eric Wright me semble avoir saisi plus justement la mentalité québécoise. Pourtant, au niveau de la langue, Louise Penny fournit, sur son site, pour les lecteur anglais aux prises avec certaines expressions franco-québécoises, un pronunciation guide fort utile et très bien fait, qui suppose une fréquentation assidue du milieu québécois.

Comment l’inspecteur Gamache parviendra-t-il à trouver le meurtrier d’une vieille dame pas du tout indigne au beau milieu d’une partie de curling en présence de presque tout le village? L’énigme est un peu tordue et sa solution possible comme vingt autres. Malgré l’application qu’elle y met, son intérêt est ailleurs : retrouver ce monde imaginaire de vieilles madames tolérantes et ces petites maisons dans la prairie. Elle voudrait bien aussi qu’on trouve sympathique cet inspecteur Gamache sentencieux et qui se croit profond. Les fausses pistes sont artificielles ou inachevées, comme la présentation du livre qui nous laisse entendre qu’une grave menace pèse sur Gamache (à quel jeu joue son patron? Et l’agente Nichol? Et Lemieux? A suivre dans le prochain numéro! Plusieurs autres pistes finissent aussi en queue de poisson.

Comment alors expliquer cette réputation? D’abord, le prix Arthur Ellis (fort respectable) a été accordé pour le meilleur premier roman. Et puis, les 4 prix Agatha sont accordés lors d’une Convention annuelle de la Malice Domestic Ltd, organisation américaine liée au milieu de l’édition. On exige des romans classiques à la Agatha Christie, sans sexe et sans violence explicite. En fait, ça me rappelle tout cet univers du cozy mystery, particulièrement, la Miss Silver de Patricia Wentworth et les histoires de chats de Lilian Jackson Braun. Même si je croyais la forme plutôt dépassée (et assez racoleuse la tendance à y récupérer Agatha Christie, qui se distinguait surtout par son intelligence et sa rigueur), je dois admettre que ce genre de polars semble satisfaire encore un certain public, pour qui ce qui compte d’abord c’est un gentil divertissement anodin et sans conséquence. C’est toujours mieux que de regarder des niaiseries américaines à la télé.

Ma note : 3 out of 5 stars (3 / 5)

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