Dernier bus pour Woodstock – Colin Dexter

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1975
(Last bus to Woodstock)

Date de publication française : 2020 (L’Archipel)
Traduction : Claude Bonnafont
Genre : Enquête
Personnages principaux : Inspecteur Morse

C’est le premier roman de la série des Morse de Colin Dexter. Les 13 romans de cette série, publiés de 1975 à 1999, ont inspiré 33 épisodes de télévision. Dexter (1930-2017) a fait des Études Supérieures au Christ College de l’Université de Cambridge. En 53, il enseigne les humanités grecque et latine; puis, en 66, il commence à travailler au Centre des examens de l’Université d’Oxford, et c’est dans cette ville universitaire pittoresque qu’il s’installe définitivement. C’est d’ailleurs dans ce décor qu’il situe les aventures de l’inspecteur Morse.

Pas facile quand on commence à lire les Morse, après avoir vu les séries qui lui ont été consacrées, de ne pas être hanté par la tête et la personnalité du comédien John Thaw. Morse c’est Thaw, et réciproquement. La brillante interprétation de John Thaw n’est certes pas indifférente au succès de l’œuvre écrite ou télévisée. Un polar d’enquête risque d’être banal, donc lassant, si l’auteur n’y inclut pas quelques ingrédients subtils. La personnalité de Morse en est un, de même que l’originalité du couple inspecteur Morse/sergent Lewis.

Deux jeunes filles faisaient du pouce entre Oxford et Woodstock. L’une d’elles, Sylvia Kaye, est retrouvée étranglée, et probablement violée, dans le stationnement du pub The Black Prince. La deuxième est portée disparue. Morse et Lewis enquêtent. C’est la première fois qu’ils travaillent ensemble. Les clients et les travailleurs du Black Prince sont interrogés, y compris celui qui a trouvé le corps, John Sanders, qui affirme qu’il n’a rien vu de spécial, sauf que Morse finit par lui faire dire que la morte était la jeune femme qu’il attendait au pub. Au cours de l’enquête, tous mentent à Morse et deviennent suspects : Mr Palmer, le directeur de la compagnie d’assurances où travaillait Sylvia; Jennifer Coleby qui a reçu une lettre codée d’un employeur semble-t-il, et qui est une des trois filles susceptibles d’avoir accompagné Sylvia le soir du meurtre; Bernard Crowther qui a donné un lift aux deux filles; et quelques autres. Pourquoi celle qui accompagnait Sylvia ne veut pas se faire connaître ? Qui semble avoir recommandé à Jennifer de ne rien dire ?

Après avoir vainement serré de près les suspects, Morse apprend que deux d’entre eux s’accusent du meurtre de Sylvia. Mais aucun ne lui convient. Se met alors en branle, devant un Lewis ébahi, la puissance de réflexion phénoménale de Morse, où les intuitions fournissent des matériaux aux raisonnements dont les enchaînements conduisent à une conclusion qui perce le mystère et clarifie les circonstances du crime.

La personnalité de Morse est attachante, ai-je mentionné, malgré ses sautes d’humeur, son traitement souvent cavalier de Lewis et son amour pour Wagner. Quand il est hanté par un problème, sa passion pour le résoudre fait flèche de tout bois. Un deuxième atout qui rend le travail d’enquête passionnant, c’est la subtilité de l’intrigue jusque dans les moindres détails. Quand Morse passe à la phase d’élucidation, il reprend les moindres indices qui nous avaient chicotés jusque là et les intègre dans un tableau d’ensemble qui apaise l’esprit du lecteur en lui donnant satisfaction. Troisième atout : la description des personnages les rend très vivants et les situe dans un décor réaliste. On y croit, on a l’impression de les reconnaître.

Bref, en 1975, j’aurais été bien inspiré de prévoir un bel avenir pour les enquêtes de l’inspecteur Morse.

Extrait :
Morse resta quelques minutes immobile, le regard baissé vers l’affreux spectacle qui s’étalait à ses pieds. La jeune fille assassinée portait un minimum de vêtements : une paire de chaussures à semelle compensée, une mini-jupe bleu foncé réellement très courte et un chemisier blanc. Rien d’autre. Morse promena sa torche sur la partie supérieure du corps. Le côté gauche de son chemisier avait été déchiré : les deux boutons du haut étaient ouverts et le troisième violemment arraché, si bien que les seins étaient presque totalement exposés. Morse dirigea sa torche autour du corps et découvrit immédiatement le bouton qui manquait, un petit disque de nacre, très blanc sur le sol pavé où il sembla miroiter à son intention. Dieu, qu’il haïssait les crimes sexuels ! (…)
À 23h45, Lewis avait terminé sa mission et vint faire son rapport à Morse, assis dans le bureau du gérant en compagnie du Times et d’un liquide qui ressemblait beaucoup à du whisky.
– Ah! C’est vous Lewis ! fit-il en poussant le journal vers lui. Regardez donc le 14 vertical. Tout à fait de circonstance, non ?
Lewis regarda le 14 vertical : « Plus net, cher à Juliette. » Il lut ce que Morse avait écrit dans la grille terminée : balconnet. Qu’était-il censé dire ? C’était la première fois qu’il travaillait avec Morse.
Bonne définition, vous ne trouvez pas ?
Lewis réussissait parfois à remplir la grille des mots croisés du Daily Mirror mais, là, il perdait pied.
Je crains de ne pas être doué pour les mots croisés, monsieur.
Juliette fait ses adieux à Roméo du haut de son « balcon »; plus « net », cela fait balconnet.
Le visage de Lewis exprimait la perplexité à l’état pur.
Vous n’avez pas étudié Shakespeare, Lewis ?
Non, monsieur.
Vous pensez que je vous fais perdre votre temps, Lewis ?
Lewis n’était pas un imbécile mais un honnête homme et intègre.
Oui, monsieur.
Un sourire engageant étira les lèvres de Morse. Il pensait qu’ils s’entendraient bien tous les deux.
Lewis, je veux que vous travailliez avec moi sur cette affaire.

Université d’Oxford

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

 

 

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