La Pyramide de boue – Andrea Camilleri (1925-2019)

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2014  (La piramide di fango)
Date de publication française : 2019 (Fleuve noir), 2020 (Pocket)
Traduction :
Serge Quadruppani
Genre :
Enquête
Personnage principal :
Commissaire Montalbano

Ce roman semblait être le dernier de Camilleri, mais l’auteur avait prévu une sortie de scène pour le commissaire Montalbano (clin d’œil à Montalban, romancier espagnol antifasciste lui aussi) : en 2005, il avait écrit Riccardino, retouché en 2016, et publié après la mort de Camilleri en 2020.

Il pleut depuis une semaine en Sicile et la mer grimpe jusqu’à la résidence de Montalbano. Un coup de tonnerre tonitruant réveille le commissaire, suivi d’un faux numéro au téléphone, ce qui n’est pas de nature à améliorer son humeur. Puis, Fazio lui signale un meurtre : sur un chantier boueux, on a retrouvé le corps de Giugiu Nicotra, expert-comptable pour une grande compagnie de construction, vêtu d’un caleçon, et qui, apparemment, s’était rendu sur le chantier en vélo. L’épouse allemande de Giugiu, Inge, est disparue, de même qu’un mystérieux personnage qui habitait chez lui, incognito, depuis six mois.

Derrière les compagnies qui se disputent le monopole de la construction sur une portion importante de la région s’affronteraient deux familles dont les liens avec la mafia paraissent inévitables. Chaque fois que les enquêteurs suivent une piste, une nouvelle victime survient. On s’efforce d’effacer toutes les traces. D’ailleurs, où est Inge ? Qui était hébergé chez Inge et Giugiu ? Pourquoi avoir tué le comptable ? Et pourquoi un innocent avoue un crime qu’il n’a pas commis ?

Montalbano est un peu débordé; il vieillit, entend moins bien et aurait besoin de lunettes. Il demeure acharné, entêté même. Et il est soutenu par Fazio et Mimi Augello, plus actifs que jamais. Par ailleurs, il ne doit pas non plus se laisser abattre par son amour de toujours, Livia, toujours absente et passablement déprimée. Heureusement, sa gouvernante Adelina et son ami Enzo, chef de sa trattoria préférée, lui remontent le moral avec des mets qui satisfont sa gourmandise ou, dirait-il, son sens gastronomique. Ces facteurs contribueront à lui permettre de régler une affaire assez compliquée.

Roman qui peut paraître plus sombre que d’habitude, peut-être à cause de la température qui dévaste la Sicile. Montalbano se sent vieillir et doit donner plus de corde à ses adjoints : Mimi Augello, malgré ses chicanes avec le commissaire et ses distractions féminines, assume plus de responsabilités; l’impeccable Fazio accomplit avec succès des tâches avant même que Montalbano ait le temps de les lui confier, ce qui met toujours son supérieur en colère; et l’inimitable Catarella déforme gaillardement la langue sicilienne au point de défier n’importe quel disciple de Raymond Devos. Enfin, Montalbano ne se laisse pas arrêter par les tracasseries administratives et n’hésite pas à devancer les décisions du procureur Jacono. Ce qui rend toujours ses aventures agréables.

Extrait :
– Mais c’est quoi, ici ?
C’est ce que vos seugneurie voit, arépondit la vieille. Ici, on vend du pain, des pâtes, de la sauce, des œufs … de tout. On fait aussi à manger. Et on peut prendre un bon café.
Mais comment se fait-il que vous n’ayez pas d’enseigne dehors ? demanda encore le commissaire.
Passque j’ai pas la licence.
Mais vous en avez fait la demande ? ‘ntervint soudain Fazio en prenant un visage sévère.
Ça m’est même pas passé par l’antichambre de la coucourde ! Vous avez idée de ce que ça me coûterait comme dessous-de-table pour l’avoir en douce ?
Mais alors, c’est une activité commerciale non déclarée ! s’exclama Fazio.
Mais quelle activité ? réagit la vieille en élevant la voix. De l’activité, avec l’âge que j’ai, j’en ai plus beaucoup ! Vosseigneurie, vous êtes quoi, un contrôleur de la Financière ?
Non, je suis …
Et alors, si vous n’en êtes pas, ne me cassez pas les burnes (…)
– Pitrineddru !
Sans savoir comment ni d’o« il venait, Pitrineddru se matérialisa.

C’était un colosse quadragénaire de deux mètres de haut, avec des cheveux qui démarraient pratiquement aux sourcils, des biceps de quatre-vingts centimètre de circonférence, des mains grosses comme des pelles.
Qu’est-ce qu’il y a, maman ?
Pitrineddru, cori di lu mè cori, cœur de mon cœur, c’tes deux flics i disent comme ça qu’on est non déclarés et peut-être qu’ils vont nous faire fermer ‘u magasin.
Pitrineddru leur jeta le regard torve des taureaux qui vont charger (…)
D’une voix calme et plate, Montalbano déclara :
– Faisons un pacte ?

Marinella, le village de Montalbano

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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