Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2024 (The Quiet Tenant)
Date de publication française : 2024 – Fayard
Traduction (américain) : Nathalie Bru
Genres : Thriller psychologique, roman noir
Personnages principaux : Rachel, prisonnière d’un tueur en série – Aidan Thomas, tueur en série
Une femme est retenue prisonnière dans un cabanon de jardin. Elle s’appelle Rachel, ce n’est pas son vrai prénom, c’est celui qu’à choisi pour elle son geôlier. Ça fait cinq ans qu’elle est captive. Un jour, son ravisseur lui annonce qu’il doit déménager. Changer de maison ne veut pas dire retrouver la liberté, mais simplement de changer de conditions de détention : plus de cabanon, une chambre, un lit, une salle de bain et des repas pris en commun avec son gardien et sa fille. Le reste du temps, elle le passe dans sa chambre attachée au radiateur. Elle découvre que celui qui l’a enlevée s’appelle Aidan Thomas et qu’il a déjà assassiné plusieurs femmes. Elle observe, guette, mémorise, pour éventuellement utiliser ce qu’elle voit et entend pour tenter de s’échapper un jour peut-être, mais la moindre erreur signifie la mort assurée. La prudence que cela impose limite les initiatives, mais l’espoir demeure.
L’intrigue nous permet d’abord de découvrir la vie d’une femme séquestrée depuis cinq ans. Entre elle et l’homme qui la tient enfermée s’est installé une sorte de rituel : le repas dans le tupperware, l’eau dans la gourde en métal, ses besoins dans un seau, une fois par mois un shampoing antipoux, le coupe-ongles toutes les trois semaines … et régulièrement l’acte sexuel, là aussi avec son rituel : c’est lui qui doit défaire les fermetures éclair, déboutonner, effeuiller. Pas une seule fois, il ne pose le regard sur toi. Le sujet, ce n’est pas toi. C’est toutes les femmes et toutes les filles. Rachel sait que l’homme a déjà tué plusieurs fois et que pour survivre elle doit être obéissante et soumise, elle a appris les règles pour rester en vie, la première est : c’est toujours lui qui gagne. C’est une survivante, contrairement aux autres femmes le tueur l’a gardée en vie parce qu’il a besoin de partager des choses qu’elle est la seule à pouvoir entendre. Cependant, malgré sa peur, Rachel n’a pas totalement abdiqué, elle garde l’espoir de pouvoir s’évader.
Aidan Thomas est un père et un homme exemplaire. C’est un jeune veuf, sa femme est morte d’un cancer, il élève seul une fille de treize ans. C’est un homme méritant, apprécié de tous, qui inspire confiance : dans la queue de l’épicerie, les mères lui collent leur bébé dans les bras, Vous voulez bien me la garder une minute ? Bref, Aidan Thomas est un homme charmant, poli et amical, toujours prêt à rendre service. Il est aussi séduisant. Emily, la patronne du restaurant local en tombe follement amoureuse. Le seul problème, ignoré de tous, sauf de Rachel, c’est que c’est aussi un tueur en série.
La peur de la prisonnière est finement décrite ainsi que son sentiment de culpabilité de ne pas être capable de se révolter et de sauver ainsi les autres femmes qui ont été victimes après elle. La double vie du tueur, sa maîtrise et la volonté de tout prévoir et de tout contrôler sont très bien rendues.
Une locataire si discrète est un roman angoissant, imprégné d’une forte tension. L’analyse psychologique des personnages est bien réalisée.
À noter que l’autrice, Clémence Michallon, est française, elle vit à New York. Elle a longtemps caressé le projet d’écrire un roman en anglais. Avec Une locataire si discrète son projet s’est réalisé de la meilleure façon qui soit.
Extrait :
C’est son espace. Tu apprendras plus tard qu’il a commencé de le préparer pour le cas où se présenterait la très hypothétique et très vague possibilité de quelqu’un comme toi. Quelqu’un qu’il aimerait garder. Il l’a insonorisé. Recouvert le sol de caoutchouc, bouché au mastic le moindre trou sur les murs. Mais il n’a pas fini. Ce n’était pas toi qu’il comptait garder. Tu es une décision prise sur un coup de tête, un achat impulsif.
Il reviendra le lendemain terminer son ouvrage. Il vissera une chaîne au mur. Il videra l’endroit de ses affaires. Il fera de ce lieu ton chez-toi. Pour l’heure, il te menotte les mains derrière le dos. Te ligote les chevilles et attache la corde à la poignée de la porte.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)