Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2023 (Albin Michel)
Genres : Enquête, thriller historique
Personnage principal : Valentin Verne, inspecteur à Paris
C’est le troisième épisode du Bureau des affaires occultes dirigé par l’inspecteur Valentin Verne. Malgré une certaine continuité entre les principaux personnages, chaque roman jouit d’une autonomie certaine. Le contexte historique est le même : nous sommes en 1832 à Paris, sous Louis-Philippe, toujours contesté par les Républicains. Vidocq et Verne devront travailler main dans la main. Et Verne finira peut-être par fondre sous la chaleur d’Aglaé.
1832 : c’est aussi l’année où l’épidémie de choléra (la peur bleue) gagne Paris. La population panique : les classes pauvres s’imaginent que les riches veulent se débarrasser d’elles; les riches s’imaginent être contaminées par les pauvres. On découvre dans le quartier pauvre de Saint-Merri une série de meurtres atroces : les victimes, atteintes par ailleurs du choléra, ont été poignardées et amputées d’un organe. L’affaire n’est pas occulte à proprement parler, mais ça reste mystérieux d’assassiner des gens voués à la mort et de prélever un de leurs organes. Verne, Aglaé, promue policière, et Vidocq commenceront donc par enquêter sur ces cas.
Ça ne s’arrêtera pas là : trois académiciens, engagés dans la lutte contre le choléra, disparaissent et seront retrouvés morts. Pourquoi ? Est-ce que ça fait partie du conflit entre les classes démunies et les classes riches, qui s’efforceraient de faire disparaître les plus pauvres ? Et qu’adviendra-t-il de l’affrontement entre Aglaé et son père ? Et faut-il prendre au sérieux la dispute entre ceux qui estiment que le choléra est un phénomène de contagion et ceux qui croient, au contraire, qu’il s’agit d’une maladie infectieuse. Et si les relations intimes ne s’améliorent pas entre Valentin et Aglaé, celle-ci se laissera-t-elle séduire par Georges Sand ?
On le voit, ce roman développe en même temps plusieurs problématiques et emprunte énormément à l’histoire des sciences (Fouassier a reçu le prix Griffe noire du meilleur polar historique en 2021); c’est à la fois un avantage et un inconvénient. C’est un plus, en effet, pour ceux et celles qui aiment se désennuyer en enrichissant leur culture; un moins, par contre, pour ceux et celles qui préfèrent vibrer à la lecture d’un thriller trépidant où on tremble pour les déconvenues de notre héros. Alternent ainsi des pages d’informations intéressantes et des petits chapitres où se déroulent des scènes d’action d’où Valentin sort amoché mais toujours vainqueur. L’enrichissement culturel risque donc de ralentir l’action, de briser le rythme de l’intrigue principale, et de transformer notre plaisir de jouer en plaisir d’apprendre.
Extrait :
À mesure que la nuit avançait, un froid humide gagnait le sous-sol de la clinique. Dehors, la pluie s’était mise à tomber. Une pluie de printemps fine et régulière. À travers la porte de la desserre, Vidocq parvenait à distinguer le clapotement que faisaient entendre les gouttes en trouant les frondaisons du jardin et leur martèlement sur le gravier des allées. Ces bruits lancinants tissaient un fond sonore empreint de mélancolie et offraient une morne orientation à ses pensées. Il ne pouvait s’empêcher de penser aux sacoches renfermant les archives de Fouché qui l’attendaient dans son bureau, à la préfecture. Pour éviter toute difficulté avec le président Pöerson, il lui faudrait les renvoyer dès le lendemain à Melun. Or, si rien ne se passait cette nuit, s’il veillait inutilement jusqu’à l’aube, il n’aurait jamais le temps d’examiner les précieux documents. Le simple fait d’avoir à envisager pareil gâchis lui provoquait un afflux de bile.
Pour atténuer sa frustration et tenter de se réchauffer, il sortit un flasque d’armagnac de sa redingote et en engloutit une généreuse lampée. L’alcool en descendant le long de son œsophage le réconforta.

Le choléra à Paris en 1832
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