Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2024 (Hierro viejo)
Date de publication française : 2025 – Gallimard
Traduction (espagnol) : Sébastien Rutés
Genre : Roman noir
Personnage principal : Coveiro, fossoyeur et gardien de cimetière, ancien tueur à gages
Coveiro a pris sa retraite quand son frère s’est suicidé en lui laissant sur les bras son fils Marco. L’enfant est autiste et n’a plus personne d’autre que son oncle pour s’occuper de lui. Coveiro revient donc s’installer à Balanegra, petit village tranquille. Il prend en charge son neveu et par la même occasion, il récupère le métier de son frère : fossoyeur et gardien de cimetière. Ça le change de son ancienne profession : tueur à gages. Le seul point commun entre ces deux métiers est la fréquentation assidue des morts. Entre les parties de chasse, l’entretien du cimetière et les enterrements, Coveiro mène une vie paisible, jusqu’à ce qu’on enlève son neveu juste après l’inhumation bizarre d’un fils d’une famille puissante. Coveiro ne comprend pas pourquoi on a enlevé le garçon, mais il ne reste pas à se poser des questions sans réagir, il reprend les armes et ses réflexes de tueur pour retrouver son neveu.
L’originalité de ce roman n’est pas dans l’intrigue qui sent le déjà-vu : le vétéran à la retraite qui reprend du service quand un de ses proches est menacé. On l’a lu dans Chiens des Ozarks d’Eli Cranor par exemple. La singularité de cette œuvre est ailleurs, notamment dans son ambiance déjantée.
Ça flingue beaucoup dans cette histoire ! Il y a de nombreux macchabées et pas mal de violence, mais l’atmosphère n’est ni sinistre ni morbide. Les protagonistes assassinent à tour de bras, mais avec détachement et dans la bonne humeur. L’humour noir apporte de la légèreté aux pires scènes sanglantes. C’est la particularité de ce roman noir.
Les personnages sont en accord avec l’atmosphère générale du livre, ils sont à la fois horribles et drôles. Coveiro était un homme de main efficace, mais capable de gestes d’humanité. Après l’enlèvement de son neveu, il redevient un tueur impitoyable, mais parfois pris de compassion. C’est un professionnel du crime à l’ancienne : pour lui, pas besoin de gadgets technologiques, ni d’armes sophistiquées. Son équipement est rudimentaire : le canon scié de son fusil de chasse est bien suffisant et pour les interrogatoires un marteau et des clous feront l’affaire. Sa force est sa détermination et sa faiblesse sa prostate. C’est un vieux bonhomme qui a souvent besoin d’uriner, mais il arrive à gérer convenablement ce handicap. D’autres personnages pas vraiment fréquentables forment un bel aréopage d’affreux.
Balanegra ne serait qu’un roman violent et sanglant, contenant une belle dose de cynisme si un humour noir décapant ne le rendait plaisant et réjouissant.
Extrait :
À cause des phares dans le dos du Russe, leurs visages restaient dans l’ombre. On n’apercevait que le léger éclat de leurs yeux.
— J’aime bien l’endroit que tu as choisi pour notre rencontre, dit le Russe avec un bref mouvement de tête. Et j’espère pour toi que ton assurance te rembourse les soins dentaires, papi. Tu vas en avoir besoin.
— De quoi tu comptes te servir ? De ce flingue que tu tripotes comme un cul de jument ?
— Peut-être bien…
Une, deux, trois secondes, et le Russe fit le geste d’attraper son arme. Coveiro saisit son canon scié, se leva, avança d’un pas et lui tira dans le pied. À cette distance, impossible de le rater. La détonation fit s’envoler en même temps tout un tas d’oiseaux qui patientaient tapis sous les buissons et sur les branches des arbres de l’autre rive. Après, il ne resta plus que le ronronnement des moteurs.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)