Nulle part où revenir – Henry Wise

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2024 (Holy City)
Date de publication française :
 2025 – Sonatine
Traduction (américain) :
Julie Sibony
Genre : Roman noir
Personnage principal :
Will Seems, adjoint au shérif

Will Seems vient de passer dix ans dans la ville de Richmond quand il revient dans la petite bourgade où il a grandi, en Virginie-Occidentale, dans le comté d’Euphoria. Maintenant, il occupe le poste d’adjoint au shérif. Un jour, dans une ferme en proie à un incendie, il tire un homme des flammes. Il ne l’a pas sauvé puisque le fermier était déjà mort, poignardé dans le dos. L’incendie n’a été déclenché que pour masquer le meurtre. Un suspect, un vieil homme noir, est arrêté, mais la population ne croit pas à sa culpabilité, sauf le shérif qui l’inculpe et l’emprisonne. Des membres de la communauté noire embauchent une détective privée pour innocenter l’accusé. Elle devra enquêter avec Will. Ce dernier n’est pas vraiment ravi, mais il n’a pas le choix. Pour lui cela va raviver les démons d’un passé qu’il a cherché à oublier pendant dix ans, sans vraiment réussir.

Dans ce roman, le cadre est primordial. C’est celui de la Virginie, pas de la Virginie luxuriante, tendre et verte, mais celui d’une région dure, d’une terre rêche, avec ses routes désertes, ses maisons délabrées, ses champs de tabac, ses bois dont les arbres ont été abattus par l’industrie forestière. Dans ce territoire déjà bien austère, le Snakefoot est encore pire. C’est un marais dans un trou oublié au fin fond du comté, un endroit où cohabitent des descendants d’esclaves évadés et le pire de la misère blanche.

Les personnages sont en accord avec le milieu. Ils sont tourmentés et marqués par un passé douloureux. Des secrets, des évènements anciens peu glorieux, pervertissent les rapports entre les gens. Le personnage principal, Will Seems, est traumatisé par une mésaventure de sa jeunesse dont il a honte, qui le mine et dont il garde un grand sentiment de culpabilité.

L’intrigue est tortueuse et complexe. L’enquête classique du début sur la culpabilité ou l’innocence d’un vieil homme glisse progressivement vers le roman noir social décrivant une Amérique rurale désenchantée, soumise à la crise économique et à la désertification. Dans la dernière partie, le roman devient plus psychologique et les considérations morales et philosophiques prennent le pas sur l’action.

Nulle part où revenir est un roman sombre et désabusé peignant une Amérique abandonnée avec des personnages lourdement chargés d’un passé trouble. Avec ce premier roman, Henry Wise entre dans la lignée des auteurs qui affectionnent le roman noir rural américain tels que : Ron Rash, David Joy, S.A. Cosby et Eli Cranor. Une bonne compagnie qu’il ne dépare pas.

Extrait :
Et Sam était quelque part dans la nature, sans que Will soit capable de le localiser et de lui venir en aide. Il aurait dû lui parler de l’arrestation de Zeke dès le début, mais à présent comment pouvait-il lui présenter des excuses s’il ne le trouvait pas ? Il aurait dû faire les choses différemment. Il aurait dû prendre sa défense. Il aurait dû savoir quoi faire. Il aurait dû y avoir un dieu pour le lui dire. Il n’y avait qu’une heure et demie de route jusqu’à Dawn, à travers des champs exubérants et une chaleur moite et fatiguée, mais il avait l’impression de voir défiler toutes les années qu’il avait vécues, et d’autres encore. Richmond qui brûlait. C’était comme s’il avait passé toute sa vie à chercher quelqu’un pour finalement se retrouver au point de départ, sauf que le point de départ avait changé, et pas lui. Il n’y avait nulle part où revenir.

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

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