Ouragans tropicaux – Leonardo Padura

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2022 (Personas decentes)
Date de publication française :
2023 (Métailié)
Traduction (espagnol) :
René Solis
Genre : Enquête, historique
Personnage principal :
Mario Conde, ex-policier

J’avais lu il y a une dizaine d’années Adios Hemingway, roman plus historique que policier. Cette fois-ci, Padura croit que c’est peut-être «  l’histoire la plus policière de toutes celles que j’ai écrites », « une histoire avec plusieurs morts et beaucoup de crimes ». Roman d’enquête sans doute, mais ça ne suffit pas pour faire un bon polar.

D’abord, on a deux romans pour le prix d’un. Conde mêle à l’enquête qu’il mène actuellement sur l’assassinat de Reynaldo Quevedo (en 2016) le récit qu’il est en train d’écrire sur la vie et la mort d’Alberto Yarini y Ponce de León, grand maître de la prostitution à Cuba, et de son ami policier Arturo Saborit, au début du XXe siècle (Yarini est mort en 1910). Ces deux récits ont en commun une histoire sur l’assassinat de deux puissants criminels, le sympathique et distingué Yarini et l’affreux exploiteur Quevedo qui a profité de sa position privilégiée à partir des années 70 (période stalinienne dogmatique et impitoyable à Cuba) pour voler, torturer, pousser au suicide et jeter le discrédit sur tout individu qui osait manifester un tant soit peu de liberté, tout en s’enrichissant à leurs dépens (vol de tableaux, de bijoux…).

La publicité laissait entendre que l’histoire était centrée sur la visite d’Obama et des Stones en 2016. En réalité, ce n’est qu’un détail qui illustre le court moment d’espérance euphorique dont ont profité les Cubains. Ce qui intéresse Padura c’est l’inépuisable description des multiples personnages, des rues de Cuba, des maisons riches et des taudis, des injustices du régime communiste, des magouilles de toutes sortes, de l’exploitation des femmes, domestiques ou prostituées, des problèmes personnels de Conde vieillissant : il n’a que 62 ans (retraité de la police à 36 ans, devenu libraire et, à l’occasion, détective) mais il est usé. Bien sûr, il finira par découvrir qui a tué et mutilé Quevedo, mais c’est une mort tellement méritée et dont la solution est précédée de tellement de démarches, d’entrevues et de discussions que ça nous est assez égal.

Au fond, ce qui manque, c’est le rythme. On lit ça un peu comme un livre d’histoire ou de géographie. C’est instructif, et je suis heureux d’avoir vu ça de près. Mais j’avoue n’avoir ressenti aucune émotion semblable à celles qu’on éprouve en lisant un bon polar.

Extrait :
Quand tu étais flic, il y avait combien de touristes à Cuba ? Cinq ! Un Bulgare, un Tchèque et trois frères soviétiques… Aujourd’hui, il y a du fric et, derrière le fric, les problèmes. Je crois bien qu’il y a plus de putes que de feux rouges à La Havane… et des deux sexes, je voudrais pas faire de discrimination.
─ Et tu sais si ce problème (neige, pilules pétards), il se pose pour toi ?
─ Je n’en sais rien… je ne crois pas… mais je voudrais pas me faire choper avec ce genre de merde…
Conde ne résista pas plus longtemps et alluma une cigarette (…) Dans les derniers temps où il avait été dans la police, trente ans plus tôt, l’apparition d’une simple cigarette de marijuana avait déclenché l’alerte générale. Et même s’il ne pouvait nier que le monde dans lequel ils vivaient à présent valaient à bien des égards mieux que l’état de surveillance, de paranoïa, de répression et de censure implacable sous lequel il avait gâché ses meilleures années, la dégradation en train de se répandre ne pouvait manquer de le troubler.

Le soleil couchant à La Havane

Niveau de satisfaction :
3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Ce contenu a été publié dans Cubain, Enquête, Historique, Moyen. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.