Les Mortes-Eaux – Andrew Michael Hurley

Par Raymond Pédoussaut

LesmorteseauxDate de publication originale : 2015 (The Loney)Hurley-AM
Date de publication française : 2016 chez Denoël
Genres : Roman noir, gothique
Personnage principal : Tonto Smith fils d’une famille très pieuse – Son frère aîné Andrew déficient mental

Dans les années 1970, dans la paroisse de Saint Jude’s à Londres, une petite communauté très pieuse gravite autour du père Wilfred, leur guide spirituel. Mais un jour le père Wilfred tombe du haut du beffroi et se fracasse le crane. Un malheureux accident, du moins c’est ce que veulent penser les fidèles. Le nouveau prêtre, le père Bernard, fait de son mieux mais il n’a ni l’autorité ni la rigueur religieuse de l’ancien. Ce n’est pas un intégriste, il est jugé trop progressiste. Il déçoit les paroissiens de Saint Jude’s habitués à ce qu’on leur montre, sans la moindre hésitation, la voie à suivre pour trouver Dieu. Ils imposent au nouveau prêtre de faire tout comme son prédécesseur, notamment le pèlerinage pascal aux Moorings où tous les ans ils demandent la guérison miraculeuse d’Andrew, un jeune déficient mental qui n’arrive toujours pas à parler. Les Moorings sont une vieille bâtisse située dans le Loney, une région de pluie, de marées et de marécages près de la cote du Lancashire. Là le groupe de pèlerins est confronté à des autochtones aux mœurs pas très catholiques, des gens qui se livrent à d’étranges rituels païens et s’adonnent à la sorcellerie. Les pratiques et les croyances de ces deux mondes vont s’opposer dans ce lieu sauvage.

Tonto, le jeune frère d’Andrew, raconte l’histoire. Il a une certaine distance vis à vis de la religion mais il est obligé de suivre ses parents, sa mère surtout, une véritable fanatique qui refuse le handicap de son fils et impose ses vues à toute la communauté. Tonto s’est donné comme mission de protéger et d’aider Andrew, son frère handicapé. Il essaiera de le faire longtemps, trop, ce qui lui créera des problèmes.

L’intrigue se concentre autour de la foi, de la religion mais aussi des doutes et des questionnements sur les croyances. L’enjeu pour démontrer l’efficacité des pratiques est la guérison d’Andrew, jeune attardé mental. Source sacrée contre rituel barbare. Une incursion dans le fantastique dispense l’auteur de toute explication rationnelle. La narration ne respecte pas l’ordre chronologique des évènements : il y a de fréquents allers-retours entre le passé et le présent, il faut rester vigilant pour ne pas perdre le fil. Il n’y a pas davantage de présentation des personnages, il faut trouver soi-même les liens qui existent entre eux, surtout quand on appelle la mère Momon et le père Pabsent. Quant à Andrew, qui ne parle pas, on ne comprend pas tout de suite qu’il est handicapé mental. Bref, l’auteur n’a pas facilité la tâche du lecteur.

La première partie se traîne en longueur dans les bondieuseries assez soporifiques des catholiques de Saint Jude’s. Dans la deuxième partie, celle qui se déroule aux Moorings, le décor sinistre installe la tension qui faisait défaut jusqu’ici, dans une ambiance gothique.

Les Mortes-eaux est un roman noir assez étrange, parfois dérangeant, qui vaut surtout par le climat particulier que l’auteur a su créer grâce à un décor inquiétant et oppressant.

Danny Boyle a acquis les droits du roman pour une prochaine adaptation cinématographique. Peut être qu’il a lu le livre et il lui a plu, ou alors a cru sur parole Stephen King : « Les Mortes-Eaux n’est pas seulement un bon livre, c’est un grand livre. Un roman incroyable. » Pour ma part, je serai beaucoup moins dithyrambique.

Extrait : 
Mais si c’était la volonté de Dieu qu’il aille au bord de la mer, quelle était donc cette appréhension tenace qui le taraudait depuis qu’il s’était engagé sur la route à travers la lande ? Il avait le sentiment d’avoir dérangé quelque chose. Un malaise croissant, comme si les marais étaient d’une façon ou d’une autre conscients de sa présence. C’était, comme il l’avait écrit, un endroit sombre et vigilant qui semblait s’être fait l’adepte de la dissimulation de sinistres secrets, des secrets à moitié entendus dans les tabous que se chuchotaient les bancs de roseaux.
Cela lui rappelait une illustration représentant le Styx dans le livre d’histoires et de légendes grecques qu’il avait quand il était petit — son unique livre, plus épais encore que la bible familiale posée sur le manteau de la cheminée. Et quelles histoires n’avait-il pas trouvées sous sa couverture cartonnée !

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Moorings se dressait, solitaire, au milieu des herbes couleur fer et des éboulis calcaires …

Ma note : 3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

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