Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2010 (The Glass Rainbow)
Date de publication française : 2013 (Payot et Rivages)
Genre : Enquête
Personnage principal : Dave Robicheaux, policier
Je m’étais bien promis de lire un second Burke et j’en ai choisi un qui se passe en Louisiane (là où a lieu la majorité des aventures de Robicheaux et Purcel), avant que nos deux policiers peu orthodoxes émigrent dans le Montana. En 2009, Dave Robicheaux travaille pour la police de New Iberia (Nouvelle Ibérie), dixième plus grande ville de la Louisiane, et Clete Purcel y sévit comme détective privé. La quatrième de couverture laisse entendre que nous assisterons à la traque d’un tueur en série de sept jeunes femmes, mais l’accent est surtout mis sur les deux dernières, Bernadette Latiolais qui avait hérité sept arpents de terre magnifiques légués par son père, et Fern Michot, une jeune fugueuse canadienne qui voulait voir du pays.
Le fil conducteur du récit semble plutôt les amours d’Alafair, la fille de Dave, et de Kermit Abelard, le petit-fils de Timothy Abelard, doyen d’une tradition familiale qui s’est enrichie dans le pays en s’acoquinant avec les mafias italiennes, les trafiquants mexicains, et les sbires de Pinochet, Somoza, Batista et autres dictateurs. C’est maintenant un homme riche et puissant, élégant et rusé, un bon citoyen au-dessus de tout soupçon. Son petit-fils, Kermit, subit l’influence de l’écrivaillon et ex-criminel Robert Weingart, que Dave soupçonne d’être particulièrement pervers.
Le maquereau et dealer Herman Stanga semble détenir beaucoup d’informations sur le sort des jeunes filles. Clete l’interroge brutalement et quelque temps après on le découvre assassiné. Clete est d’autant plus soupçonné qu’on découvre son stylo dans la piscine de Stanga. En cherchant à dépister le meurtrier de Stanga, on apprend que Weingart a essayé d’acheter du rohypnol (appelé dans les rues louisianaises roofies et, chez nous, drogue du viol). Et c’est ainsi que les histoires d’amour d’Alafair avec le petit-fils d’Abelard, ami de Weingart, et l’enquête sur les jeunes femmes assassinées se croisent. Les policiers sont déconcertés par le grand nombre de suspects mais, comme plusieurs se font tuer en cours de route, leur tâche est facilitée. Quoique, pour dire vrai, ce soit plus une malencontreuse initiative des criminels qui les conduira à leur perte qu’une brillante manœuvre de nos deux héros.
On ne doit pas s’attendre à lire une histoire policière bien conventionnelle; il s’agit plutôt d’une véritable saga louisianaise, un récit qui plonge ses racines au milieu du XIXe siècle. Burke aime relier les drames actuels aux histoires familiales du passé, y discernant une sorte d’hérédité psychosociale. C’est pourquoi on a l’impression que les enquêtes actuelles passent un peu au second plan. D’ailleurs, il n’est pas facile de s’y retrouver avec un très grand nombre de personnages. On suit plus facilement les drames privés de la famille Robicheaux et la tragédie personnelle de l’ami Purcel, qui maîtrise difficilement son agressivité et son besoin d’alcool. Qu’on s’entende bien : je n’ai rien contre les Dirty Harry et le fait qu’on serve parfois aux criminels sans foi ni loi leur propre médecine. Mais la violence de Harry est contrôlée, alors que celle de Clete, et même parfois celle de Dave, explose régulièrement à leur corps défendant.
Dans un tel contexte, il faut s’attacher aux personnages principaux mais je ne les trouve pas très attirants : malgré son bon cœur, Clete est plutôt balourd et quasi répugnant; Dave appartient au groupe de personnes qui veut aider tous les gens malgré eux, ce qui trahit plus son anxiété que sa générosité, et ses ruminations mystico-gélatineuses me lassent un peu. J’aime quand même les retrouver, mais je finis par me fatiguer assez rapidement. Et c’est insuffisant pour embarquer dans des récits qui n’en finissent plus.
Extrait [1] :
Je suis persuadé que la rage éprouvée par les morts ne peut être contenue par une tombe. Combien de gens peuvent-ils se rendre compte de ce que signifie pour une fille de dix-huit ans le fait d’être amoureuse, de s’éveiller chaque matin et de sentir que, ce jour-là, quelque chose de merveilleux, d’extraordinaire, va lui arriver ? Combien comprennent la joie qu’éprouve une jeune fille quand elle est embrassée sur les yeux et la bouche par un homme qui l’aime, ou le plaisir sensuel de danser pieds nus sur l’herbe lors d’un concert en plein air, sa croupe s’agitant en une innocente célébration de sa sexualité, le plaisir de voir sa peau resplendissante se refléter dans un miroir, de sentir ses seins se gonfler, d’entendre battre son sang quand elle prononce le nom de l’homme dans le silence de sa chambre ?
Comment tout cela peut-il être arraché à une jeune fille en quelques instants, sans qu’elle s’y attende, par tromperie et par traîtrise, sans qu’un cri de la psyché ne sorte de son âme, un cri tellement puissant qu’il emplit la totalité du monde ?
J’ai fermé les stores et la porte de mon bureau, j’ai allumé le plafonnier, et je me suis assis dans la pénombre baignée par l’air conditionné, les bras immobiles sur mon sous-main. Qu’essayaient de me dire les deux filles ?
[1]C’est Dave qui médite.
Bonjour Ray,
Désolée pour ce commentaire qui n’a rien à voir avec ton article, mais je me suis rendu compte que le lien présent sur mon blog vers ce lieu ne fonctionnait plus, et impossible de le mettre à jour = quelle est l’adresse url à enregistrer ? Quand je suis sur la page de ton blog, la barre d’adresse n’affiche que ray-pedoussaut.fr, et même en y rajoutant http://, je n’y arrive pas…
Bonjour Ingannmic,
Le lien sur la page d’accueil de mon blog est : Sang d’Encre Polars L’adresse : http://ray-pedoussaut.fr/
Effectivement le http:// n’est pas affiché mais il existe. Si tu fais un copier-coller sur l’adresse de la page d’accueil, normalement quand tu colles le http:// est rajouté automatiquement.