Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2025 -Éditions du Masque
Genres : Roman noir, social
Personnage principal : Till Aquilina, éducateur dans un foyer d’accueil d’urgence pour mineurs
Till Aquilina est éducateur spécialisé dans un foyer d’accueil d’urgence pour mineurs. Sous ce nom ronflant se cache un endroit où atterrissent les jeunes dont plus personne ne veut et où les éducateurs en sous-nombre font ce qu’ils peuvent et finissent par craquer, totalement épuisés. C’est ce qui est arrivé à Till : il a violenté Audrey, une adolescente de 14 ans lorsqu’elle est revenue au foyer après sa énième fugue. Audrey va finir à l’hôpital, en coma artificiel, pas à cause du geste brutal de Till, mais parce qu’après cela Audrey s’est enfuie et elle a été renversée par un chauffard non identifié. Submergé par la culpabilité, Till s’installe devant la chambre de la fille, mais il n’a pas le droit de la voir. Pour se racheter, il ne voit qu’une solution : retrouver la mère d’Audrey disparue, mais que l’adolescente cherchait à retrouver. Tâche particulièrement difficile puisque la mère a été déclarée présumée morte sans qu’aucune preuve de sa mort ne soit fournie.
L’intrigue se base sur deux thèmes : – le sentiment de culpabilité d’un homme qui sait qu’il a commis une faute et son désir de rédemption – la protection de l’enfance et les foyers d’accueil d’urgence. Les deux thèmes sont liés par l’intermédiaire de l’éducateur Till. Les choses ont dégénéré pour plusieurs raisons : Till a travaillé soixante heures par semaine depuis des mois, il a enchaîné une nuit après une journée entière de boulot, cette nuit il était seul pour gérer le centre, en plus on venait de lui envoyer un gamin trop jeune et en état de choc, Audrey est revenue en pleine nuit en possession d’un téléphone qui ne lui appartenait pas. Épuisé et sur les nerfs il a n’a pas supporté les insultes, il a plaqué l’adolescente contre un mur et avec ses cent trois kilos le choc a été rude. Il ne se pardonne pas la suite : la gamine qui s’enfuit, se fait percuter, se retrouve à l’hôpital. Et bien sûr sa hiérarchie qui n’a pas hésité à le mettre dans des conditions de travail insupportables et d’abuser de sa disponibilité va l’accuser de violence et d’abandon de poste. Seule son amie Anya, pédopsychiatre et représentante syndicale, en tant que grande prêtresse des causes perdues, lui apporte un soutien sans faille.
Quand Till apprend qu’Audrey recherchait sa mère et qu’elle aurait été en contact avec elle, son obsession sera de ramener sa mère à la fille. Ses recherches vont l’amener à fréquenter un autre monde où l’on trouve un policier ripou, un ancien légionnaire et des trafiquants de drogue. Un monde dangereux où il risque sa vie. Mais Till persiste et poursuit sa quête.
L’autrice situe son roman dans la région où elle vit : le Tarn entre Albi et Gaillac. Un territoire de forêt et de pluie qui contribue à installer une atmosphère de morosité en accord avec l’humeur du personnage principal.
À travers le personnage de Till, Gabrielle Massat nous décrit la souffrance des enfants et des éducateurs dans les foyers d’accueil. Gracier la bête est édifiant sur le naufrage de la protection de l’enfance en France. C’est un roman noir poignant.
Extrait :
— Ce que vous n’avez pas compris, Lucille, et que personne ici n’a compris, c’est qu’en condamnant M. Aquilina, vous permettez que rien ne change. Il a violenté Audrey Marty et personne ici ne nie les faits. Cet acte n’aurait jamais dû se produire. Vous savez pourquoi ? Parce qu’il n’aurait pas dû être là ce soir-là. Il n’aurait pas dû enchaîner une nuit après une journée entière de boulot, ni bosser soixante heures par semaine depuis des mois, ni devoir gérer seul toute la villa. Regardez-moi bien en face et osez me dire que dans ces conditions, ce qui est arrivé aurait pu être évité.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)