Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2022
(A Truth to Lie For)
Date de publication française : 2023 (Univers Poche)
Traduction (anglais) : Florence Bertrand
Genres : Espionnage, thriller, historique
Personnage principal : Elena Standish, MI 6
C’est le quatrième tome de la série Elena Standish, petite fille de Lucas Standish, longtemps directeur du MI 6, devenue elle-même, et un peu malgré elle, agente du MI 6. On est maintenant en juin 1934, Elena a 29 ans, et le pouvoir hitlérien prend de l’ampleur. Deux biochimistes allemands sont d’ailleurs en train d’élaborer des germes utilisables à des fins militaires et leur antidote. Une guerre bactériologique est encore plus à craindre qu’une guerre atomique. On décide donc d’envoyer Elena, et un autre agent, en Allemagne pour exfiltrer les deux savants : ou on parvient à leur faire quitter l’Allemagne ou on les tue.
La mission est d’autant plus difficile que l’Allemagne est en ébullition : c’est l’époque de la Nuit des longs couteaux où la Gestapo massacre une bonne partie des chemises brunes et leur leader Roehm, qui envisageait peut-être de se substituer à Hitler. Logeant dans un petit hôtel de Munich avec le professeur Hartwig, Elena est témoin de cette purge; les services de sécurité étant sur le qui-vive, la sortie de l’Allemagne devient de plus en plus difficile.
Hitler est adulé par la population parce qu’il est parvenu à remettre le pays sur ses rails. Mais le général Paulus, vieil ennemi de Lucas Standish, persuade Hitler de se débarrasser de tous les foyers de contestation éventuels. Contrairement à l’image qui circule dans le pays, Hitler est beaucoup plus craintif et paranoïaque en réalité. Le pouvoir de Paulus est énorme et ses informateurs risquent de lui révéler la présence des agents étrangers sur leur territoire, ce qui interromprait la mission d’exfiltration et menacerait de mort Elena. Lucas décide donc d’affronter Paulus à Berlin.
Une bonne partie de l’histoire se passe en Allemagne. Anne Perry peint avec précision l’atmosphère ambigüe du pays : d’un côté, l’espoir de redevenir une puissance respectable; de l’autre, la terreur que sèment les chemises brunes et bientôt la Gestapo, l’antisémitisme, la censure (on brûle les livres douteux), la violence contre ceux qui pourraient s’opposer à la toute-puissance d’Hitler et du Troisième Reich.
Comme d’habitude, les personnages, peu nombreux, sont décrits avec assez de subtilité pour qu’on s’attache à eux. L’intrigue se caractérise par une action continue qui rend difficile d’interrompre le récit. La lecture n’est cependant pas à conseiller pour ceux et celles qui voudraient fuir le climat empoisonné favorisé par le nouveau Président américain : ce qui se passe en Allemagne en 1934 ressemble trop à ce qui se passe aux États-Unis en 2025, même si Hitler n’allait pas jusqu’à réécrire la Géographie (le Golfe d’Amérique au lieu du Golfe du Mexique) et l’Histoire (« l’Ukraine attaque la Russie »).
Extrait :
Paulus le fixait toujours, les yeux durs et froids comme des galets polis par la rivière.
─ C’est mon ennemi. Et le vôtre. Lucas Standish était à la tête des services de renseignements britanniques pendant la guerre (…)
La nausée montait dans l’estomac de Kurt.
─ Et que dois-je lui dire, monsieur ? demanda-t-il, sur ses gardes.
─ Ce qui vous chante, rétorqua Paulus. N’importe quoi … cela n’a aucune importance (…)
Paulus souriait.
─ Oh ! et une petite chose, dit-il. Quand vous l’aurez rencontré, vous devrez l’amener jusqu’à moi, et puis le tuer.
L’étau autour du cœur de Kurt se resserra, au point qu’il crut ne plus pouvoir respirer(…)
─ Et si vous veniez à échouer dans cette mission, je veillerais à ce qu’on s’occupe de votre famille. Vous avez une femme et une fille, n’est-ce-pas ?

La Nuit des longs couteaux
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)