Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2021 (Éditions du Seuil)
Genre : Humour
Personnage principal : Jacky Toudic, sosie parfait de Mathieu Kassovitz et escroc
Jacky Toudic est de retour à Besançon, sa ville natale, pour s’occuper de sa mère atteinte d’Alzheimer. Il y retrouve quelques anciens copains et il fait la connaissance de Zoé, avocate fiscaliste. Jacky est le sosie parfait de Mathieu Kassovitz. Et il en vit. Il se fait passer pour lui et invente des projets de films qui feront vibrer les passionnés de cinéma et les admirateurs de stars. Il leur propose de participer aux enveloppes. Ce sont des petits bonus destinés aux stars, de l’argent liquide pour les coups à boire, les call-girls et autres gâteries que s’offrent les vedettes. En contrepartie le généreux donateur profitera d’un bénéfice sur les entrées et d’un dîner avec l’acteur favori. Jacky est un arnaqueur : il disparaît avec les enveloppes garnies. Mais c’est un gagne-petit lui fait comprendre Zoé, sa nouvelle amie. Tous les deux préparent alors un plan plus ambitieux : faire croire au tournage de La Haine 2. Un projet à 6 millions d’euros. Le casse du siècle pour eux. Mais il faut toujours se méfier des gens qui viennent d’entrer dans ta vie, lui dit un ancien producteur de films. Il n’avait pas tort.
Schwartzmann a l’art de mettre en scène des personnages aussi originaux qu’amusants. Outre le faux Mathieu Kassovitz, nous trouvons : – Zoé, l’avocate fiscaliste qui fait fondre Jacky, une beauté très ambitieuse – Yann, l’homme qui fait la statue de la Liberté – Parrain, un drôle de médecin dont aucun patient ne s’est jamais plaint, il est légiste – Elder, a plein de théories sur de nombreux sujets, c’est un gars sympathique, mais complètement barge, pour qui le temps va à l’envers – Il y a aussi un ancien producteur qui a eu son heure de gloire, un genre de Weinstein, accusé de viol, maintenant en pleine dépression, il vit dans une immense villa, avec un crocodile dans sa piscine. Mais comme Jacky Toudic, certains ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être.
Avec de tels personnages, on se doute que les situations ne vont pas être tristes. Et puis il y a des conseils judicieux : pour devenir marseillais par exemple, il faut comprendre que la parole est magique. Devenir Corse est plus difficile, car on n’est pas corse, on naît corse. Cependant, ne perdez pas espoir, Elder vous explique comment il est devenu corse. Il y a des théories intéressantes aussi comme la cristallisation stendhalienne et la meuf-rameau. Ça peut paraître obscur dit comme ça, mais c’est très bien expliqué dans le livre.
Ce n’est pas un polar sérieux. Cependant, tout n’est pas écrit sur le ton de la rigolade. Par moments l’auteur laisse transparaître une exaspération et certains passages contiennent des critiques virulentes : contre les écolos-bobos, les médecins, les sénateurs et les banquiers. Un peu à la façon de San-Antonio. Il y a aussi une belle histoire d’amour, même si ce n’est pas un chemin de roses.
Kasso est un roman humoristique, drôle, parfois acerbe. Les personnages sont extravagants, les situations rocambolesques, ce qui n’exclut pas un brin de cynisme et quelques critiques décapantes. De quoi passer un excellent moment.
Extrait :
Guy apporte les cafés à ces messieurs et s’affale sur le canapé, en face de moi.
– T’avais raison au fait, pour Fassbinder, me lance Guy.
– Ton croco ?
– Oui. Le type qui l’a récupéré. Il bossait pas du tout pour un cirque. C’est un mec qui fait des trafics.
– Ah merde…
– Un escroc, quoi.
– C’est moche.
– Ouais, ouais… c’est moche, comme tu dis. On croit connaître les gens, et puis… non. En fait non. Tu vois, toi par exemple, je croyais te connaître, mais je me trompais. Je ne sais pas qui tu es.
– Comment ça ?
– Non, je ne te connais pas. Le vrai Mathieu Kassovitz, je le connais bien. Et c’est pas toi. Maintenant on va discuter tous les quatre. Micha et Pavel sont comme moi, ils ont très envie de savoir qui tu es, fils de pute.
L’appareil étant doté de la fonction autoreverse, nous avons écouté le même morceau des années durant. « C’est un àquoiboniste, un faiseur de plaisantristes, qui dit toujours à quoi bon, à quoi bon… »
Jane Birkin – L’Àquoiboniste
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)