Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2021 (Québec Amérique)
Genre : Enquête
Personnages principaux : Violet, Marie-Rose, Marguerite…
Au Jardin Desjardins, une résidence respectable pour personnes âgées, Jasmin et le juge Lavigueur découvrent, aux petites heures du matin, le corps poignardé de l’infirmier Mathieu Bibeau. Des auto-patrouilles, une ambulance, les pompiers et quelques journalistes arrivent en trombe. En allant perquisitionner chez l’infirmier, les policiers tombent sur un sombre individu qui prend la fuite avec un sac plein d’argent et se fait écraser par une automobile. Ce même individu a été accueilli par Bibeau, comme l’indique la caméra de surveillance. Ils auraient eu des mots; puis, le visiteur est disparu. Et Bibeau est trouvé mort.
Pour presque tout le monde, c’est clair : Bibeau vendait à fort prix des biscuits au pot à quelques clients de la résidence; son pusher n’a pas été payé convenablement; il l’a donc tué pour ensuite fouiller son appartement et lui dérober son dû.
Les amis qui passent deux soirs par semaine à manger, boire et jouer ne sont pas convaincus, surtout à cause d’un argument de Violet, l’Anglaise du groupe, qui se prend un peu pour Miss Marple : comment le supposé tueur aurait-il mis la main sur le couteau de boucher qui était rangé soigneusement dans la cuisine, qui ne faisait d’ailleurs pas partie du parcours du suspect ? Partant de là, les sept aventuriers mènent l’enquête: Marie-Rose la gastronome, Ginette l’entreprenante, Pâquerette l’observatrice, Violet l’inquisitrice, Jasmin l’invisible, Marguerite l’amoureuse et, indirectement, son ami Faustino, qui l’encourage.
Si celui qui a été arrêté n’est pas le coupable, l’assassin doit donc être un résident. Les cinq femmes partent de leur côté chercher des informations, mettent en commun leurs expériences passées, et consacrent leurs soirées à réfléchir. Puis, Marie-Rose organise un souper révélateur, un peu comme Poirot convoquait les suspects à une soirée où le coupable était démasqué. Mais les choses ne tournent toutefois pas comme on avait prévu.
C’est une histoire bien sympathique et nos héroïnes (Jasmin et Faustino ont un rôle d’appoint) démontrent que l’expression ‘l’âge d’or’ n’a pas qu’un sens ironique. Même quand Bello insiste sur quelques détails morbides, c’est pour montrer qu’il y a moyen de surmonter nos petits bobos. Mais l’auteur insiste surtout sur le fait que le cœur ne suit pas nécessairement le corps. Et, au contraire, que les plaisirs de l’esprit débordent sur les plaisirs du corps, celui de manger, de boire et de jouer, par exemple. Le crime, loin de créer la panique, stimule et consolide l’amitié de nos enquêtrices. Marguerite et Faustino assument même un amour naissant : la vie recommence à soixante ans.
On ne verse pourtant pas dans les arlequinades. Bello n’est pas non plus Exbrayat ni San Antonio. L’écriture est légère mais la trame est plus réaliste. Le drame est, d’une certaine façon, un prétexte, mais l’intrigue n’est pas pour autant négligée. Et elle est assez complexe. L’ensemble se lit aisément, un sourire aux lèvres. J’ai retrouvé avec plaisir l’atmosphère de la série télé ‘Elle écrit au meurtre’ avec l’immortelle Angela Lansbury.
Extrait :
Violet n’a rien laissé au hasard. Ce soir, ils sont six à la table de la salle à manger avec des cafés généreusement agrémentés d’Irish Cream, sans oublier un délicieux, irrésistible et traître Moscatel de Setubal Superior en réserve dans le frigo, une liqueur qui ne pourra manquer de délier en douce certaines langues rétives. Elle a fait valoir que pour voir Jasmin se déboutonner en toute confiance, la présence de Marguerite est aussi indispensable que l’absence de ‘Fawstine’. Les tourtereaux n’ont pas été très difficiles à convaincre, ayant déjà profité de l’après-midi pour leurs affaires (…)
L’hôtesse constate l’effet réconfortant que son café opère rapidement sur ses invités. Elle commence sans attendre à tartiner un genre de laïus enjôleur pour lancer le bal.
– Dear friends, nous connaissons nous-mêmes plutôt bien. Nous faisons confiance à nous, et gardons généralement pour nous autres nos confidences. Bref, notre petit cercle, gentiment, il ronronne like a cat, les yeux à moitié fermés. Except Rosie, fraîchement arrivée parmi nous et que nous avons adoptée avec satisfaction. Ce qui nous réunit depuis environ deux ans, c’est beaucoup, n’est-ce-pas, le plaisir que nous avons à jouer à des jeux de société. But more than everything, les événements de ces derniers jours ont fait naître into me la volonté de vous entretenir dans un jeu d’énigmes qui pourrait être aussi divertissant que excitant.
Je veux parler, of course, de cette assassination qui a eu lieu presque sous notre figure et dont notre ami Jasmin est le témoin number one.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)