Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2022 (Desarmadero)
Date de publication française : 2024 – Éditions Métailié
Traduction (espagnol Argentine) : Lise Belperron
Genre : Roman noir
Personnage principal : Aucun mais beaucoup de personnages de second plan
Durruti, patron d’une casse qui désosse et revend des voitures volées, est mécontent parce qu’un de ses hommes a buté sans son accord deux jeunes qui foutaient un bordel monstre. En faisant cela, l’homme a rompu le fragile équilibre qui régnait entre les mafieux, les policiers et les politiques. C’est mauvais pour le business. Durriti va devoir calmer le jeu le temps que les choses se remettent à leur place. Mais le calme et la reprise des affaires vont être de courte durée : une succession d’erreurs fait six morts dans la police. La guerre est déclenchée, les morts violentes se multiplient. Ceux qui ne sont pas abattus doivent fuir. Le système s’effondre.
L’autrice nous décrit un système de corruption généralisée allant des hautes autorités politiques aux hommes de main qui obéissent aux ordres sans rechigner, en passant par les intermédiaires qui discutent entre eux et passent les accords qui font que tout le monde y trouve son compte. Le procédé fonctionne tant que rien ne s’ébruite. Mais il suffit d’une initiative malheureuse d’un subalterne pour ruiner la stabilité du dispositif. Quand on ne peut plus cacher les morts, policiers de surcroît, et que les journaux se déchaînent sur la corruption, le système s’écroule sur lui-même faisant une hécatombe.
Dans ce roman il n’y a toute une palette de personnages d’égale importance sans qu’aucun ne soit prédominant. Nous y trouvons un certain nombre de corrupteurs et de corrompus, à tous les niveaux de la hiérarchie, du ministre au petit voyou. Cependant l’autrice a quelque peu atténué la noirceur du tableau en y intégrant des touches d’humanité. Rita, par exemple, sait déchiffrer le corps des gens : le corps dit des choses, elle écoute, elle sait traduire, elle dit aux gens ce qu’elle voit, c’est un don. Rita voudrait se rapprocher de sa sœur qui la méprise. Saravia, lui, est un mari malheureux qui soupçonne sa femme de le tromper depuis qu’on lui a collé des messages anonymes sur le pare-brise de son magnifique coupé. Brandán est un vieux médecin légiste désabusé à qui on fait appel uniquement quand le légiste officiel de la police n’est pas là, celui dont les rapports vont exactement dans le sens que souhaite le chef de la police.
Le style d’Eugenia Almeida va bien avec son propos : il est simple, efficace, cru et incisif. Il y a beaucoup de dialogues souvent percutants ou amusants.
La Casse est un roman sombre et désenchanté dans le propos et tonique dans la forme. Un bon roman noir.
Extrait :
Cette fois-là, Durruti avait pensé que c’était peut-être juste. Que lui n’avait jamais demandé qui était le gars de la capitale et pourquoi on lui avait fait endosser le meurtre du Chilien. Qu’il avait accepté sans broncher. Sortir de prison, récupérer Nene.
Par la suite, les choses s’étaient enchaînées. La deuxième, la troisième fois. Se demander quand il aurait fini de payer.
Et un soir où il avait posé la question, le ton de Tapia avait changé, et il avait compris qu’il ne s’agissait pas de payer pour le passé. C’était autre chose : il payait pour le présent, comme un crédit. Pour ce qu’il avait désormais. Pour ce qu’il pouvait perdre.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)