Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2017 (Sang neuf)
Genres : science-fiction, société
Personnage principal : Paul Janvier, dessinateur de presse
Paul Janvier accompagne ses amis dans une boîte de nuit. C’est une soirée à thème, les gens sont masqués. Paul ne l’est pas, ce qui ne l’empêche pas d’être abordé par une fille portant le masque de Double-Face, l’ennemi de Batman. Au fil de la conversation la fille semble s’intéresser beaucoup à lui, lui pose quantité de questions … puis disparaît. Paul est déconcerté. Il cherche à la retrouver, n’y parvient pas jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle est sa voisine de palier. La coïncidence est troublante. Ce qui l’est encore plus c’est la nouvelle disparition de sa voisine. Elle a quitté son appartement sans laisser d’adresse. Paul aura recevra l’explication de cette étrange attitude dans une longue lettre de celle qui se fait appeler successivement Double-Face, Claire, Judith, Meredith et 226. Elle explique qu’elle est détenue dans un lieu où en échange d’une réduction de peine elle doit effectuer des missions clandestines à l’extérieur. Paul, horrifié, va ainsi découvrir un système caché de surveillance et de manipulation de masse.
Le thème de ce roman est donc la surveillance et le contrôle généralisés des individus. Ce thème a déjà été abordé par d’autres, on pense surtout à Georges Orwell dans 1984 dont semble s’être inspiré Mathieu Neu. Si en 1949, date de la parution de 1984, les conditions de réalisation d’un système d’espionnage de tous les individus paraissaient futuristes et utopiques, la technologie d’aujourd’hui rend tout à fait possible un tel scénario : caméras de surveillance, traçage des communications internet, géolocalisation des téléphones mobiles, analyse des données personnelles livrées sur les réseaux sociaux … En ce sens Mathieu Neu est moins visionnaire qu’Orwell mais plus réaliste. Le titre IDP 37 est énigmatique mais s’explique parfaitement à la lecture. C’est une bonne trouvaille.
Les personnages sont empreints d’une certaine dose de candeur. Que ce soit Paul, le dessinateur ou Meredith, la détenue rebelle. En outre ils font preuve d’un sentimentalisme d’adolescents, inadapté à la tonalité du roman. Milan, responsable ministériel, et Zé Pequeno, chef des dissidents, m’ont paru plus en adéquation avec l’ambiance du livre.
Le sujet est intéressant mais la réalisation est maladroite. Ce roman prend parfois des airs de littérature pour la jeunesse par sa simplicité et sa naïveté. Plus de noirceur, de tension, des personnages plus consistants, auraient donné plus d’impact me semble-t-il.
Malgré ces reproches le livre est prenant parce qu’il montre que nous ne sommes pas si loin de ce monde où les mesures liberticides sont devenues la règle d’une société qui continue de se nommer démocratie. La passivité des citoyens autorise ce genre d’abus. La phrase mise en exergue définit parfaitement le contexte : « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles. » (Max Frisch).
Si l’écriture et la définition des personnages pourraient être améliorées, il y a dans IDP 37 de bonnes idées et d’excellentes inspirations.
Extrait :
— Monsieur Janvier, vous vous rappelez sans mal la révolution française de 1789 et tous les bienfaits qu’elle a engendrés. Mais vous souvenez-vous de l’économie dévastée de l’époque ? Vous vous rappelez sans mal les luttes gagnées par le Front populaire dans les années 1930, les avancées sociales soi-disant fabuleuses initiées à l’époque. Mais vous souvenez-vous des pertes financières astronomiques qui s’en sont suivies en raison du coût des congés payés, de l’envolée arbitraire des revenus ? Trouve-t-on dans ces exemples votre définition du discernement ? Sans parler de la véritable ode au renversement des sociétés que constituaient par le passé des dizaines de pages de chaque manuel scolaire. Vous imaginez bien que le parcours d’un individu éduqué selon ces principes est sévèrement mis à mal lorsqu’il s’agit à l’âge adulte d’alimenter notre système. Il s’évertuera à combattre les inégalités au lieu de composer avec elles. Des générations d’immobilisme, de sédition ont été produites à cause de certaines valeurs aveuglément encouragées, à cause de références historiques erronées.
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)