Mort contre la montre – Jorge Zepeda Patterson

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2018 (Muerte contrarreloj)
Date de publication française : 2019 – Actes Sud
Traduction : Claude Bleton
Genres : Enquête, sport
Personnage principal : Marc Moreau, cycliste professionnel

Marc Moreau, né d’une mère colombienne et d’un père français, est devenu cycliste professionnel après un passage dans l’armée où il a été caporal de la police militaire. Dans un camp d’entraînement pour cyclistes il se lie d’amitié avec Steve Panata. Pourtant les deux garçons sont très différents : Marc est réservé, timide mais c’est un coriace, capable de faire le coup de poing alors que Steve est un séducteur, brillant au charme irrésistible mais totalement incapable de se défendre. Les deux jeunes hommes vont devenir inséparables. Ils le resteront dans les compétitions cyclistes. Steve sera dans le rôle du vainqueur et Marc dans celui du gregario, celui qui sert un leader, le protège, le met en situation favorable pour gagner. Le gregario se sacrifie pour que le champion puisse gagner. Leur association est particulièrement efficace, Steve a remporté quatre tours de France, Marc n’a jamais rien gagné mais il a fait gagner son équipier. Steve veut un cinquième succès pour égaler les grands champions et rester dans l’histoire. Mais ce Tour s’annonce très particulier.

L’auteur développe une intrigue avec un double suspense :
– Qui en veut au Tour de France ? Avant et pendant l’épreuve une série d’accidents frappe les équipes des champions qui ont des chances de gagner. Il y a des blessés et même des morts. Chaque équipe se sent menacée et regarde les rivales avec hostilité. La police enquête et demande à Marc Moreau, en tant qu’ancien de la police militaire, de collaborer. Sa place au sein du peloton est idéale pour observer et recueillir des renseignements.
Qui va gagner le Tour ? Steve est encore une fois le favori mais cette fois Marc est aussi fort que lui et même supérieur en montagne. Ses proches le poussent a enfin saisir l’occasion qui se présente. Pour cela il doit trahir son équipier et ami. Pourra-t-il s’y résoudre ?

Au niveau des personnages, il y une opposition intéressante entre les deux athlètes : Steve est bien né dans une bonne famille américaine. Il est beau, flamboyant, possède beaucoup de classe. Ses succès ne sont pas que sportifs. Il est dans la lumière. Marc, au contraire, n’a connu que peu ses parents, a grandi dans un quartier marginal de Medellín, est passé par l’armée française à Perpignan avant de devenir cycliste professionnel. Il est réservé, en retrait. Il est dans l’ombre et ça lui convient parfaitement. Mais les circonstances de la course vont révéler un autre aspect de leurs personnalités. C’est fort habilement que l’auteur montre cette évolution. L’abnégation va faire place à l’ambition, la confiance va se transformer en méfiance.

Jorge Zepeda Patterson est un fin connaisseur du Tour de France : il décrit non seulement la course de façon tout à fait réaliste mais il montre aussi le rôle des directeurs sportifs, des sponsors, des mécaniciens, des masseurs, des journalistes … Bref de toute cette population qui gravite autour de cet événement sportif. C’est très bien réalisé et le roman est prenant de bout en bout. Il n’est pas nécessaire d’être fan de vélo pour apprécier ce roman, l’intrigue et les personnages sont suffisamment bien détaillés pour tout comprendre sans connaissance particulière en cyclisme mais il est indéniable que la compréhension de ce genre de courses, même en tant que spectateur, ne peut qu’augmenter la satisfaction de lire ce livre, excellent dans son domaine.

Extrait :
Cela signifie-t-il que je suis un perdant, un lâche ? Était-ce la tare que mon père avait perçue, ce qui expliquait son mépris ? Je ne l’ai jamais pensé, pas jusqu’au jour où commencèrent de me tourmenter les insinuations de Fiona et de Lombard, selon lesquelles j’étais meilleur coureur que je ne le croyais. Ou ce que je devenais peut-être, car j’étais enfin en mesure d’arriver parmi les premiers à Paris, même si c’était grâce aux interventions d’un assassin. Pour la première fois, être gregario ne me suffisait plus. Était-ce de la lâcheté ou de la loyauté, ce que j’avais éprouvé pendant si longtemps ? Allais-je enfin ouvrir les yeux ? La vie m’avait-elle assez endurci pour que je brigue une meilleure place que celle d’éternel perdant ? 

Niveau de satisfaction : 
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

 

 

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