Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale :
2019 – Syros
Genres : Science-fiction, post apocalypse
Personnages principaux : Lou, jeune fille de 17 ans – Guillaume, homme de 30 ans
Lou et Guillaume sont installés dans la villa Yourcenar sur le Mont-Noir. Autour de cette bâtisse, comme partout ailleurs à l’extérieur, c’est le danger : les Cibs et les Bougeurs rodent. Ce sont deux catégories différentes de morts-vivants aussi funestes l’une que l’autre. Autrefois ils avaient été des êtres humains avant de se transformer en dangereuses créatures qui se déplacent en hordes et s’attaquent à tout ce qui est vivant. On est en mars 2053, treize ans après le Grand Effondrement, quand le monde a sombré dans le chaos en quelques heures. Guillaume, 30 ans, a connu le monde d’avant alors que Lou, qui a été recueillie par Guillaume alors qu’elle avait 4 ans, ne connaît que ce nouveau monde périlleux. Comme d’autres qui ont survécu, ils tentent ensemble de survivre dans cet univers impitoyable.
Avant que ne survienne la Grande Panne il y a eu des signes avant-coureurs : – des troubles du comportement d’un nombre croissant de jeunes devenus cyberautistes, incapables de lâcher smartphone ou tablette – ceux qui se plongeaient de plus en plus souvent dans les jeux de Réalité Augmentée étaient pris d’accès de violence incontrôlables – l’usage immodéré de la thymosomaline, un médicament miracle pour lutter contre les dépressions, sensé rendre les gens heureux mais qui finalement les transformait en zombies – il y a eu la Séparation : un mur qui isolait les bons citoyens, riches et bourgeois (les Inclus) des misérables, les pauvres et les modestes (le Dehors) – et puis il y a eu les sabotages des Hackers des Derniers Jours qui ont piraté les jeux en introduisant des virus hybrides qui provoquaient des réactions incontrôlées chez les joueurs, ou qui s’en sont pris aux ordinateurs des institutions accélérant ainsi l’arrivée de la débâcle. Finalement, tout s’est écroulé d’un coup le 13 juin 2040 à 21H47 (les collapsologues avaient raison). Fin de la civilisation. Retour de la barbarie.
En montrant comment on en est arrivé là, Jérôme Leroy fait en creux la critique du monde actuel : addiction aux écrans, surconsommation de médicaments, ségrégation sociale, luttes autodestructrices, surveillance généralisée des individus … Espérons que ce ne soit pas annonciateur de notre avenir.
Certains pourraient se dire : un bouquin post apocalyptique de plus ! C’est vrai que c’est un roman qui décrit l’avant et l’après d’une grande catastrophe planétaire. Mais il se distingue de ceux que j’ai pu lire par un côté inventif très développé et aussi par un pessimisme nuancé, pas totalement sombre, il y a encore des îlots de culture, de poésie, d’espoir et d’amour sur cette planète totalement dévastée où la menace est partout. Ce livre est classé « littérature pour la jeunesse » mais je dois tout de suite préciser que pas un adulte qui le lira ne le trouvera trop naïf. C’est un livre qui peut être lu par les jeunes ou les plus vieux. Ce serait idiot de se priver du plaisir de lire un si bon roman au prétexte d’un classement jeunesse restrictif et loin d’être évident.
Lou après tout, dystopie post apocalyptique, se démarque par sa profondeur, par l’imagination foisonnante de son auteur et par la place occupée par la poésie. Il est conseillé pour tout type de lecteur.
Le Grand Effondrement est le premier tome d’une trilogie. Le deuxième tome La Communauté a paru en octobre 2019.
Extrait :
Mais Lou en avait déjà d’autres, ailleurs, qui témoignaient que les treize ans qu’ils avaient passés ensemble n’avaient pas été faciles.
Lou, sa guerrière couturée…
Guillaume pensait pourtant, au bout du compte, dans ce chaos terrifiant, qu’ils avaient été heureux parce qu’ils étaient tous les deux. Un couple improbable, au début. Un jeune homme rêveur, pas vraiment de son époque, et une toute petite fille, si vulnérable dans cet effondrement généralisé.
Qui aurait parié sur leurs chances respectives ?
Mais ils avaient survécu. Elle avait été pour lui sa raison de continuer quand c’était trop dur. D’une certaine manière, l’emmener avec lui avait été un acte égoïste. Il s’obligeait à survivre parce qu’il était responsable de cette petite fille tiède et soyeuse qu’il avait sauvée alors qu’elle ne demandait rien.
Lou.
Il déposa sa Pléiade d’Apollinaire près d’elle. Pauvre héritage…
Il ouvrit la porte de la chambre, sans la faire grincer.
Marvin chante What’s Going On. C’était prophétique, cette chanson :
« Qu’est-ce qui se passe ? »
Marvin Gaye – What’s Going On
Niveau de satisfaction :
(4,5 / 5)