Je suis l’hiver – Ricardo Romero

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2017 – Yo soy el invierno
Date de publication française : 2020 (Asphalte Éditions)
Traduction : Maïra Muchnik
Genre : Roman noir
Personnages principal : Pampa Asain, jeune policier

Monge est un petit village perdu dans la plaine argentine. C’est là que s’est retrouvé Pampa Asain, en compagnie de son collègue Parra, après leur récente sortie de l’école de police. Dans ce bled il n’y a pas grand chose et il ne s’y passe rien. De longues journées ennuyeuses se succèdent. Cependant un appel du poste de police central va rompre la monotonie quotidienne. On leur demande d’aller voir du côté de l’étang où on a signalé des braconniers. À l’étang pas de braconniers mais une femme pendue à un arbre. Ce n’est pas un suicide, quelqu’un a accroché la femme après sa mort. Curieusement Pampa garde sa découverte pour lui, il n’en parle ni à son partenaire ni à ses supérieurs mais il revient surveiller le cadavre, pensant que l’assassin va retourner sur les lieux du crime. C’est le début pour lui d’une enquête étrange, menée en solitaire.

Ce roman est marqué par une ambiance spéciale faite de solitude et de désolation. Il se déroule dans la campagne argentine recouverte d’une neige qui ajoute une impression d’austérité et de nudité aux grands espaces déserts, coupés de grands pins noirs fantasmagoriques.

Dans ce cadre particulier les personnages sont en accord avec le décor. Ce sont des solitaires, originaux, souvent en souffrance. L’auteur alterne le récit au présent et les retours dans le passé pour présenter l’histoire de chacun d’eux. Ainsi nous trouvons Gretel, la fille du quincailler, partie faire ses études à Buenos Aires et qui a fini tragiquement. Orlosky, le géant, perclus de rhumatismes et de douleurs, abruti par les médicaments. Une directrice d’école rurale qui porte douloureusement le deuil de son petit-fils qui s’est pendu au grand arbre qui était dans la cour de l’école. Irina est une vieille femme qui vit dans des maisons en ruines, près du cimetière, elle fait du feu avec les croix en bois des tombes. Pampa, le jeune policier au corps d’adolescent est le lien entre ces protagonistes, il mène une enquête d’une façon très personnelle, loin des codes appris à l’école de police dont il est frais émoulu.

Je suis l’hiver est un roman qui sort des sentiers battus, marqué par les ombres du passé et la mort. Pas vraiment joyeux mais fascinant par cette impression d’être plongé dans un autre monde, hors du temps, sensation renforcée par l’écriture envoûtante de Ricardo Romero.

Extrait :
À dix mètres de l’arbre et du corps, Pampa s’arrête à nouveau. Il observe le détail des ombres, il cherche une présence autre que la sienne, une ombre aussi intense que lui. Mais il n’y a personne. Il n’y a que lui et le corps de Gretel Castellanos. Pampa ne marche plus en ligne droite. Il fait le tour de l’arbre, le tour du corps, tapi dans l’herbe humide. Il arrive au bord du lac. Un instant, il contemple la neige qui tombe. Claires taches volatiles qui disparaissent dans l’eau noire et calme. Cette image lui fait prendre conscience d’une chose : Pampa n’a jamais eu aussi froid de sa vie. C’est un froid qui traverse tous ses vêtements, ignorant jusqu’à sa peau et sa chair, pour atteindre ses os. C’est là qu’est le froid. Il est si intense qu’il n’appelle pas un plat de nourriture ou un lit chaud. Ce froid ne peut qu’appeler encore plus de froid. Comme un vertige, la tentation de plonger dans l’eau noire du lac et de toucher le fond. Et là, attendre que tout s’apaise en surface, et que l’eau gelée le transforme en autre chose…

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

 

 

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