Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2012
(The Dog Stars)
Date de publication française : 2013 –
Actes Sud
Traduction : Céline Leroy
Genres : Science-fiction, post apocalyptique, aventures
Personnage principal : Hig, survivant de la grande grippe et pilote d’avion
La grippe, puis la maladie du sang qui a suivi ont décimé la population. Neuf ans après la catastrophe, deux hommes, Hig et Bangley, se sont installés dans l’ancien aéroport d’une ville du Colorado. Autour de leurs maisons voisines il n’y a rien. La forêt, seul endroit où la vie existe encore, est à treize kilomètres. Treize kilomètres d’espace ouvert jusqu’au pied de la montagne, aux premiers arbres. C’est leur zone de sécurité. Aux commandes d’un petit avion Cessna 182 de 1956, Hig la surveille. Bangley, expert en armes, la défend. Alliant leurs compétences les deux hommes vivent dans une relative tranquillité bien que constamment en alerte, des hordes de rescapés peuvent surgir, piller et tuer. Mais Hig est obsédé par une transmission radio qu’il a captée depuis son avion, trois ans plus tôt. Peut être que la vie a repris normalement ailleurs ? Il décide de partir en reconnaissance à bord de son Cessna afin d’en avoir le cœur net. Une autre aventure commence pour lui.
La constellation du chien est un roman post apocalyptique pas du tout déprimant. Certes le désastre a eu lieu mais la vie continue et si elle est dangereuse, elle peut être agréable, parfois même exaltante. Ainsi l’auteur nous décrit avec talent une nature qui reste préservée en certains endroits, des parties de pêche dans lesquelles Hig communie avec la rivière, les talents culinaires de Hig quand il prépare les repas pour lui et son collègue bougon, le jardinage pour faire pousser les légumes qu’ils consomment. Il y a surtout beaucoup de sentiments : l’amitié qui lie deux hommes que tout semble opposer, l’attachement de Hig à son chien Jasper, son désespoir quand il le perd, la rencontre avec une jeune femme et son père et les liens puissants qui se créent entre-eux. Si les sentiments sont forts, ils sont exprimés avec retenue et pudeur. Il ne faudrait pas penser non plus que c’est un bouquin sentimental à l’eau de rose. C’est avant tout un roman d’aventures où les gens défendent leur vie à coup de fusil d’assaut, quand ce n’est pas à coup de mortier.
Les personnages sont peu nombreux mais tous sont attachants. Hig, le narrateur est un type cool, il aime la pêche et la poésie. C’est aussi un pilote chevronné qui bichonne son vieux Cessna bien utile. Mais il ne s’en serait pas sorti s’il ne s’était associé à l’expert en armes Bangley, un homme rude, taciturne mais diablement efficace. Plus loin Hig rencontre un autre binôme : Cimarron, belle jeune femme, médecin, et son père, copie presque conforme de Bangley : un gars redoutable quand il s’agit de se défendre.
L’écriture de Heller est nostalgique et poétique mais assez atypique et même un peu désarçonnante par cette façon de terminer une phrase par une conjonction comme « et » ou « mais » par exemple. Passé la surprise on se fait très bien à ce style particulier.
La constellation du chien utilise une situation post apocalyptique pour finalement mettre en relief les valeurs essentielles de la vie humaine. Un beau roman.
Extrait :
Nos treize kilomètres de prairie. Au-dessus des derniers arbres, les tout derniers pins encore vivants qui s’aventuraient sur la plaine pareils à des sentinelles désorientées, notre périmètre, notre zone de sécurité, et puis j’ai vu la tour, celle qu’on avait construite ensemble. La banquette de tir destinée au fusil de précision de Bangley, l’avancée d’où il tirait sa réserve de mines – et voilà que je survolais la zone cible et je n’ai pas regardé de trop près pour voir les os, les corps abandonnés là sans avoir été enterrés, éparpillés par les loups et les coyotes et que sais-je encore. J’aurais pu voir, si j’avais regardé de près, le bégaiement blanc d’une côte ou d’un crâne. Et j’ai senti monter en moi un – quoi ? Un sentiment pour Bangley qui, je l’ai compris à cet instant, était devenu ma famille. Parce que c’était vers lui, comme je l’avais fait vingt-deux ans plus tôt avec ma mère, que je retournais. Pas vers ma femme, mon enfant, ma mère, rien de tout ça mais vers Bangley et sa voix graveleuse. Pour qui c’était une question de fierté de se comporter sans cesse en connard buté. Et j’ai été saisi de peur, d’une envie de faire demi-tour. Et s’il m’en voulait à mort ?
On adorait les Dixie Chicks, mais qui ne les aimerait pas.
Dixie Chicks – Wide Open Spaces
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)