La société des rêveurs involontaires – José Eduardo Agualusa

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2017
(
A Sociedade dos Sonhadores Involuntários)
Date de publication française : 2019 – Métailié
Traduction du portugais (Angola) : Danielle Schramm
Genres : sociétal, géographique, onirique
Personnages principaux : Daniel Benchimol, journaliste – Hossi Apolónio Kaley, propriétaire d’un hôtel

Le même jour Daniel Benchimol, journaliste angolais, apprend qu’il divorce et qu’il est viré de son boulot. Sa façon de mieux réfléchir à tout ça est d’aller nager. C’est en nageant qu’il aperçoit un appareil photo qui flotte à coté de lui. C’est un appareil étanche qui fonctionne encore. Par curiosité, il sort la carte mémoire et regarde les photos enregistrées. Et là, il est sidéré : il reconnaît des images vues dans ses rêves. Car Daniel a la particularité de rêver à des gens qu’il ne connaît pas. L’appareil appartenait à une artiste, Moira Fernandez, qui met en scène ses songes. Quant à Hossi Apolónio Kaley, le propriétaire de l’hôtel où séjourne Daniel, lui ne rêve pas, ce sont les autres qui rêvent de lui. Les gens rêvent de lui quand il est à proximité et ils font tous le même rêve. Ces trois personnages vont se rencontrer en Angola, sous l’emprise d’un gouvernement totalitaire qui commence à être contesté par la jeunesse. La réalité va alors être influencée par la puissance des rêves.

Dans ce livre il est beaucoup question de rêves mais pas uniquement. C’est aussi le récit de la vie de quelques personnages, et à travers eux, c’est l’histoire de l’Angola qui est racontée. Le journaliste Daniel Benchimol entretient des rapports conflictuels avec son ex-épouse autoritaire, Lucrécia, qui a toujours quelque chose à lui reprocher. Lui qui ne s’est jamais vraiment engagé, il éprouve de la fierté et de l’admiration pour sa fille Karinguiri qui a osé défier le président dictateur, avec ses amis les révos, des jeunes révolutionnaires qui protestent contre la dictature. Ils finissent en prison, entament une gréve de la faim et deviennent le symbole de la résistance au totalitarisme, non seulement en Angola mais aussi à l’extérieur du pays. Hossi Apolónio Kaley est aussi un curieux personnage. Il a été frappé par deux éclairs, le premier l’a tué, le deuxième l’a ramené à la vie. Depuis les gens rêvent de lui, il s’introduit dans leurs rêves. Hossi à un long passé de combattant, de guerillero de l’Unita qui s’est battu pour que son pays, l’Angola, soit libéré de l’occupation portugaise.

Les rêves inconscients, les songes, rejoignent et influencent alors les rêves conscients, les idéaux à atteindre (rêves de liberté).

Ce livre a été qualifié de polar onirique mais ce n’est pas du tout un polar. C’est un roman étrange dans lequel L’humour, la fantaisie et la poésie se mêlent. Sous une apparence de légèreté, il est édifiant sur l’histoire de l’Angola et contient une charge contre le pouvoir autoritaire.

Extrait :
Pablo aussi a combattu en Angola. Ce que je veux dire, c’est que peut-être les cauchemars nous aident à affronter des souvenirs traumatiques. En plus, il semblerait que les rêves servent à fixer les souvenirs. Après tout, ils peuvent nous aider à trouver des solutions à des problèmes qui nous préoccupent lorsque nous sommes réveillés. Mendeleïev a créé son tableau périodique des éléments chimiques après un rêve. August Kekulé a rêvé d’un serpent qui se mordait la queue et il s’est aperçu à son réveil qu’il avait découvert la structure de la molécule du benzène. On dit aussi que Beethoven et Wagner entendaient, en rêve, des fragments des compositions sur lesquelles ils étaient en train de travailler. Il leur arrivait de rêver à des pièces entières. Paul McCartney a rêvé de Yersterday. Il s’est réveillé avec la musique dans la tête, il s’est assis au piano et l’a jouée d’un bout à l’autre. Il était persuadé qu’il l’avait déjà entendue auparavant et c’est pour cela qu’il n’a pas voulu l’enregistrer. Il pensait qu’elle n’était pas de lui. Pendant des mois il a sifflé cette musique à ses amis, pour essayer de trouver de qui elle était, jusqu’à ce qu’il finisse par comprendre qu’il l’avait entendue dans un rêve. Tu sais que, tout au long de sa vie, une personne passe en moyenne six ans à rêver ? Cela doit avoir du sens…

Luanda, capitale de l’Angola

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

 

 

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