Un feu dans la plaine – Thomas Sands

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2018
(
Les Arènes)
Genres : Roman noir, social
Personnage principal : Jeune homme de 23 ans

On ne connaît pas son nom. Il est jeune, il sort de prison, il est en colère. Une colère sourde, attisée par la jeunesse dorée qui parade en terrasse ou par cette consultante, experte ultralibérale, qui s’épanche tous les jours sur le plateau d’une chaîne d’information ou encore par ce conseiller du Président qui prône un travail sans lois et l’asservissement général. Ce monde le révolte, le dégoûte. Par contre il compatit au malheur de ces travailleurs qui ont vu leur usine fermer. Il se sent des leurs, il les rejoint, fraternise, se bat à leur côté. Un combat perdu d’avance. Puis il continuera ce qu’il a décidé de faire : retrouver les deux arrogants porte-paroles de cette société déshumanisée qui concentrent sa haine.

C’est un livre court (140 pages) qui frappe fort. Il met en scène un homme jeune, même pas 23 ans, mais déjà aguerri par la prison. Il a pris six mois ferme pour absence de papiers, moto volée, rébellion, insultes, coups et blessures contre un représentant des forces de l’ordre. Il en est ressorti amer et révolté, ne supportant plus les exploiteurs, les profiteurs. Il a décidé de les châtier. Il devient un vengeur impitoyable, un fauve solitaire.

Même si le roman laisse apparaître une position politique, il n’y a aucun discours, aucune théorie, aucune tentative de convaincre. On voit cependant très bien qui est ce président de la start-up nation qu’il appelle le jeune baron. Mais c’est avant tout la dérive d’un homme révolté, en proie à une rage irrépressible. Un homme qui a décidé de changer les règles du jeu, quel que soit le prix à payer.

L’écriture est percutante avec des phrases courtes qui claquent. Un style bien en accord avec le contenu.

Il y a dans ce livre de la violence, de la fureur, de la noirceur et même de la sauvagerie. Un feu dans la plaine est un de ces romans qui sortent des sentiers battus, il ne peut laisser personne indifférent. C’est la vision noire du monde actuel. Il est fort possible que certains soient choqués, d’autres seront enchantés, c’est un livre clivant. Premier roman d’un jeune auteur de 27 ans qui s’annonce talentueux.

Extrait :
Seuls comptent pour eux la célébrité, le pouvoir, l’argent, le succès, la réussite. Un homme n’est plus que ce qu’il vaut, pas ce qu’il est. Sa nature, son intelligence, sa sensibilité indiffèrent, les seules questions qui vaillent : combien pèse-t-il, est-il célèbre ? Est-il jeune ? Ils se foutent de quelles façons la célébrité, le pognon, le pouvoir ont été acquis, la manière importe peu, il n’y a que le résultat. La gloire, l’impunité, le fric : ils ont des visages désormais, des corps sculptés. Voici leurs dieux, leurs icônes. Prosternation, fascination, révérence, ils sont prêts à ramper pour approcher ces étoiles. Les autres, tout autour, ce serveur, cette gamine mal fagotée qui passe devant eux et dont ils se moquent avec cruauté, qui traverse sous les lazzis, les ricanements, la femme qui se penche sur la poubelle à deux pas pour en tirer de quoi bouffer, tous ceux-là ne comptent pas. Les pauvres, les moches, les relégués, les anonymes – ce n’est plus la même humanité. Ils suceraient à genoux leur pire ennemi pour peu qu’il soit célèbre, laisseraient crever un bon copain sans boulot, tombé malade, enlaidi par l’épreuve.
Qu’un pauvre, qu’un chômeur, qu’une femme disgracieuse, qu’un homme simple, que ces obscurs puissent être intelligents, sensibles, avoir même du talent, ce n’est pas possible, pas même imaginable pour eux. Il faudrait les châtier.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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