Le Disciple – Rosenfeldt et Hjorth

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2011 (Lärjungen)
Date de publication française : 2014 (Prisma), 2015 (10/18)
Traduction : Lucille Clauss
Genres : Enquête, thriller
Personnage principal : Sebastian Bergman, profileur

J’ai été attiré par ces auteurs suédois à cause de la très bonne télésérie Le Pont (Bron, 2011-2115), créée par Hans Rosenfeldt. C’est le même décor, la Suède, et surtout Stockholm, au début du XXIe siècle. Le roman se ressent du rythme de la série avec des chapitres courts qui changent rapidement de sujet et nous introduisent dans un nouvel univers. Le Disciple est le deuxième tome d’une trilogie consacrée au profileur Sebastian Bergman (1. Dark Secrets, #4941, et 3. Le Tombeau, #4985). Même si les principaux personnages sont les mêmes, et que ce peut être plaisant de suivre leur évolution, ce n’est pas vraiment indispensable de lire les romans dans l’ordre.

Une troisième femme dans la quarantaine vient d’être violée et égorgée. La façon de procéder fait immédiatement penser au tueur en série, Edward Hinde, qui a sévi il y a une quinzaine d’années et qui a été condamné à la prison suite au travail de l’équipe et surtout de Bergman. Le chef Torkel, voyant bien que son équipe, cette fois-ci, n’a trouvé aucun indice permettant de retracer l’imitateur, décide de réintégrer le profileur, malgré les réticences de ses collègues : c’est un être fondamentalement égocentrique, antisocial, orgueilleux et obsédé sexuel, au sens où les femmes ne lui servent qu’à baiser. Et il lui faut baiser souvent. Pas surprenant qu’Ursula et Vanya ne veulent rien savoir de lui. Torkel reconnaît son talent, mais remarque aussi qu’il n’est pas au mieux de sa forme.

Une quatrième femme est égorgée, quelques heures après que Sebastian soit sorti de son lit. Il prend donc l’affaire plus personnellement : il semble bien que ces meurtres ont un rapport avec lui. Ce qui se confirme quand on s’aperçoit que Sebastian, en fait, a couché avec toutes les victimes.

L’équipe s’efforce de dépister l’imitateur et s’interroge sur le lien qui l’associe à Hinde, son maître. On devine bien que c’est lui qui dirige le carnage et qu’il a pour objectif de se venger de Sebastian. Mais comment dirige-t-il ces opérations complexes et quelle forme de vengeance lui donnera satisfaction ?

Le roman commence lentement parce qu’on nous présente les principaux personnages, et il y en a plusieurs. Par ailleurs, ils sont loin d’être tous sympathiques : le chef est un leader ordinaire, Ursula est plutôt solitaire, Vanya est agressive démesurément, très centrée sur elle-même. Le directeur de prison Haraldsson n’est pas très brillant. Et Sebastian Bergman est devenu une quasi loque humaine, méprisable et lâche. Heureusement, le tueur Hinde est intelligent et rappelle les bons moments d’Hannibal Lecter.

Ce qui nous attache au roman, c’est le fait que plusieurs petites histoires sont toujours sur le point de se recouper, et chacune nous ménage un certain suspense : comment Hinde utilisera-t-il le directeur Haraldsson ? Comment évolueront les relations entre Trolle et Ursula, entre Sebastian et Vanya ? Hinde se débarrassera-t-il de son imitateur ? Ralph parviendra-t-il à tuer Ellinor et Anna ? Y aura-t-il un affrontement final entre Hinde et Sebastian ?

La partie centrale du roman constitue un thriller non négligeable; ça devenait difficile de lâcher le livre. Malheureusement, la finale m’a déçu. D’une part, on se doute bien du dénouement à l’eau de rose; d’autre part, les manœuvres qu’utilise Sebastian avec Ralph sont très peu convaincantes et relèvent d’une psychologie à rabais. On ne remplace pas indûment l’interprétation brillante des indices matériels et la force de l’intelligence inductive et déductive par des manigances psychologiques douteuses.

Extrait :
Erik Lindman et Fabian Holst venaient d’avaler leur hamburger dans leur voiture de police quand ils reçurent l’ordre de se rendre au 19 Tolléns Väg.
Dix minutes plus tard, ils étaient sur place. Ils descendirent de la voiture et observèrent la maison. Bien qu’aucun des deux policiers ne soit vraiment versé dans le jardinage, ils remarquèrent que les maîtres des lieux devaient avoir investi de nombreuses heures de travail et une somme considérable dans l’entretien des magnifiques aménagements paysagers qui entouraient la maison.
Lorsqu’ils eurent parcouru la moitié du chemin qui traversait le jardin en direction de la maison, la porte d’entrée s’ouvrit. Dans un réflexe, ils mirent tous deux la main sur leur hanche droite, prêts à dégainer. L’homme sur le seuil portait une chemise à moitié déboutonnée et fixait les policiers d’un air hagard.
L’ambulance ne sera pas nécessaire.
Les deux policiers échangèrent un bref regard. L’homme qui leur faisait face était visiblement en état de choc. Et les personnes en état de choc ont des réactions qui échappent à toute règle. Imprévisibles. Illogiques. L’homme paraissait certes dévasté et apathique, mais ils ne voulaient prendre aucun risque. Lindman continua d’avancer. Holst ralentit la cadence et garda une main sur son holster.
Richard Granlund ? demanda Lindman en parcourant les derniers pas vers celui qui fixait un point quelque part au-dessus de ses épaules.
L’ambulance ne sera pas nécessaire, répéta l’homme d’une voix blanche.

Commissariat de Kungsholmen

Niveau de satisfaction :
3.9 out of 5 stars (3,9 / 5)

 

 

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