Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale :
2021 – Plon
Genre : Roman noir
Personnage principal : Maud Morgan, adolescente révoltée
Maud, 15 ans, est experte en informatique. Son père est un ancien coureur à pied qui essaie de faire de son fils le champion qu’il n’a pas pu être. Sa mère était championne de culturisme. Le grand-père paternel est un ancien syndicaliste engagé dans toutes les luttes sociales de son usine. La famille n’est pas riche, mais elle vivait à peu près bien avant de tomber dans la précarité quand le père est emprisonné sous l’accusation de vol d’armes dans l’usine qui les fabrique et dont il est l’employé. Maud parcourt internet la nuit, quand les autres dorment. Ses compétences de hacker lui permettent de découvrir un tas de petits secrets. Elle décide de monter un plan consistant à exploiter les informations glanées sur le net pour sortir sa famille du besoin. Elle ne s’embarrasse pas de notions morales, l’efficacité avant tout, même s’il faut tordre un peu la vérité pour la rendre acceptable par le grand-père qui, lui, a des principes. Maud n’a qu’une main, la gauche, la droite a été tranchée au niveau du poignet quand elle avait trois ans.
L’intrigue se développe en plusieurs directions autour de Maud. Bien qu’étant la plus jeune, elle est dans les faits le leader de la famille. C’est elle qui choisit les opérations à mener et qui ensuite les pilote. Outre les actions menées pour trouver des revenus supplémentaires, elle découvre qu’un de ses aïeux était propriétaire d’un kilomètre carré d’Antarctique et que celui-ci lui a légué cette terre. Elle va aller jusqu’en Norvège revendiquer cette propriété. Elle rencontrera aussi un drôle de dirigeant de think tank qui est dans le viseur de la Cour pénale internationale de La Haye.
Maud est jeune, mais elle a une maturité étonnante et une intelligence vive qui font que toute la famille s’en remet à elle. Elle ne souffre pas de son handicap, elle exhibe même son moignon par provocation. Elle est très déterminée et prête à tout pour s’élever dans l’échelle sociale sans s’encombrer de carcans moraux. Seul compte le résultat pour elle. Les personnages secondaires sont les autres membres de la famille. Parmi eux le plus attachant : le grand-père, un syndicaliste rouge, un peu rigide, adepte de la lutte des classes. Un combattant ouvrier. Il adore livrer des sentences. Il y en a une que Maud se répète souvent : N’oublie pas, ma petite Maud : il n’y a ni bonnes ni mauvaises armes. Au bout du compte, une seule chose importe. Rendre les coups. Elle n’a pas oublié, ce qu’elle a oublié ce sont les principes et le sens de l’honneur de son grand-père.
Avec son héroïne atypique, ce roman étrange et parfois amoral est aussi plein de tendresse et d’humanité. Un bon roman noir en définitive.
Extrait :
Depuis que je gère notre budget, j’ai accès aux comptes de mes parents. Factures à régler en ligne, impôts, emprunts, prélèvements mensuels, procédures de rejet, frais bancaires… Jour après jour, je mesure l’anxiété économique dans laquelle ils sont plongés, la glu sociale, une peine de précarité à perpétuité appliquée par une armée de logiciels au service de l’État ou de grandes entreprises privées. Un logiciel ne s’apitoie pas, il ne déroge pas aux règles. Il dresse des murs de zéros et de un, de oui ou de non, dicte ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Il ordonne où aller et où c’est interdit. Plus j’observe, plus je comprends ces machines numériques. Pas simplement des instruments de communication ou de partage mais des armes de soumission massive, des dispositifs de domination. Parfaits engins de contrainte, comparables en définitive à ceux sur lesquels papa et grand-père noircissaient leurs doigts à la Fabrique. Des armes.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)