Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2021 – Buchet-Chastel
Genres : Thriller, roman noir
Personnage principal : Dan, guide de montagne
Dan et Jon tiennent un gîte de montagne à 2200 mètres d’altitude. Après une période difficile, maintenant leur affaire marche plutôt bien. Ils proposent aux touristes des randonnées, des parties de pêche ou des safaris-photos dans des paysages sauvages et grandioses. Un jour un photographe imprudent, malgré les avertissements de Dan, s’approche trop de l’ourse Big m’ma Thornton qui le charge et le blesse gravement. L’homme finit par mourir. Dan craint que cet accident mette en danger leur petite entreprise. Il ne voit qu’une solution : se débarrasser du corps. Ce qu’il fait après avoir récupéré la montre à tomber à genoux du mort. De retour au gîte, il explique la situation à son copain. Pour se couvrir, ils décident de signaler simplement la disparition du touriste à la police. Alors qu’une grande tempête se prépare, débarquent deux policiers : un grand dégingandé et une rousse d’une incroyable beauté. C’est le début d’un enchaînement d’évènements incontrôlables.
Telle une partition musicale, l’intrigue de ce roman va crescendo. Au début un simple accident. L’accident va se transformer en dissimulation de corps puis en un huis clos explosif à quatre personnes dans une maison complètement isolée dans la montagne par une terrible tempête de neige qui va durer plusieurs jours.
Jon, l’associé de Dan, est un indien, un beau gars qui a beaucoup de succès auprès des femmes. Myriam, la policière rousse est d’une grande beauté, c’est une femme fatale selon Dan. Entre les deux le courant va passer, tellement qu’ils vont se retrouver dans le même lit au grand désespoir de l’autre policier, le grand échalas, qui menace d’écrire un rapport à la hiérarchie pour dénoncer ce comportement indigne d’une policière. Dan, observe tout cela avec détachement. Il y voit même l’occasion de devenir une sorte de grand-père d’adoption si les deux jeunes font un enfant qu’il pourra élever avec ses deux parents. Ainsi à 57 ans, il rêve de trouver la famille qu’il n’a jamais eue. Il y a quand même un souci: le vieux Boukowski, le plus proche voisin, convoite la même montre à tomber à genoux que Dan et il a de solides arguments pour l’obtenir. Rien ne se passera comme prévu. Mais Dan a une capacité remarquable d’adaptation, il change de projet quand les évènements évoluent d’une façon imprévue. Et il reste toujours optimiste et positif.
C’est un drôle de bonhomme Dan. Un type tout à fait normal au premier abord, mais il fait une fixette sur deux choses : la montre à tomber à genoux du touriste qui s’est fait écharper par l’ourse et ce petit-fils que pourraient lui donner les jeunes qui n’arrêtent pas de faire l’amour. Ça tourne à l’obsession pour lui, jusqu’à la folie.
Dan est le narrateur de l’histoire qui est racontée selon son point de vue. C’est un mélange étonnant de détachement, d’une certaine naïveté et d’un cynisme tranquille. L’humour noir côtoie souvent le comique de situation.
Grizzly est un roman tonique et jubilatoire dans lequel le tragique et le comique se mêlent. C’est un roman noir qui arrive à provoquer le sourire. Un livre hautement recommandable.
Quelques mots pour terminer sur cet auteur atypique. Nan Aurousseau a fait six ans de prison pour braquage à main armée. Comme il l’explique lui-même : « Je n’étais qu’une petite frappe de Charonne, un «youvoi» de quartier, et, du jour au lendemain, j’étais arrêté pour braquage à main armée, traité comme un type dangereux, un loup féroce, et transféré à Fleury-Mérogis où, à 18 ans, je devenais une vedette parce que j’avais fait la une du «Parisien». Enfin, j’étais quelqu’un, alléluia ! » Un braqueur devenu écrivain et cinéaste, voilà une réinsertion sociale réussie !
Extrait :
Dès le premier jour, j’avais pensé à l’image de la femme fatale en la voyant. Ces femmes-là sont très rusées, combien se sont fait avoir depuis la nuit des temps ! Je devais rester concentré sur mon objectif : le gamin. Femme fatale ou pas, cœur de truie ou cœur d’artichaut, je m’en foutais complètement. Maintenant que l’idée s’était bien incrustée en moi, je n’en démordrai pas. Elle allait nous faire un gosse coûte que coûte, à marche forcée s’il le fallait.
« Enceinte ? Non, ça y a pas de danger », qu’elle a dit en reniflant, en ravalant sa morve, quand je suis parvenu à m’introduire à pas de loup dans ce domaine de son intimité.
Alors je suis tombé d’encore plus haut, encore plus bas. J’étais effondré dans le sous-sol de ma vie : elle prenait la pilule.
« Ben oui, p’pa, j’suis une fille moderne. Et puis je veux pas d’enfant, pas maintenant. Une fois bien installée à Thornton, d’ici une dizaine d’années et si jamais je trouve le mec qui convient pourquoi pas… »
Ça ne m’allait pas du tout comment elle prenait les choses en petite bourgeoise bien élevée avec ses plans de carrière bien arrêtés. Bon, je me suis dit, il faut tout réorganiser, j’ai cinquante-sept ans et mon sperme c’est pas encore du blanc de poulet, y a encore des grumeaux, donc il nous reste une chance.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)