Le coffret maléfique – Paul Doherty

Par Michel Dufour

Date de publication originale :
2017 (The Mansions of Murder)
Date de publication française :
2019 (10/18)
Traduction (anglais d’Angleterre) :
Christiane Poussier et Nelly Markovic
Genres :
historique, enquête
Personnages principaux :
Frère Athelstan et Sir John Cranston

Doherty est professeur d’histoire médiévale et il est l’auteur de plusieurs séries historico-policières, dont celles du frère dominicain Athelstan qui vit à Londres au XIVe siècle. En octobre 1381, la Grande Révolte a été écrasée. Le jeune Richard II, né en 1367, règne officiellement depuis 1377 mais, vu son jeune âge, reste sous la coupe de son oncle Jean de Gand. Les rivalités entre les grands seigneurs refont surface : qui contrôlerait Londres contrôlerait aussi Westminster, la Couronne et les appareils d’État. Des bandes de criminels sévissent à Londres et on n’hésite pas à faire appel à ces organisations pour régler des comptes et augmenter sa puissance.

Le récit s’articule autour de deux problèmes qui frisent le mystère : le premier, à long terme, date de 1363, alors que le roi Edward et son fils ont défait les Valois; les Français, incapables de payer les dettes de guerre, offrirent aux vainqueurs le Coffret aux roses qui contenait les Douze Apôtres, c’est-à-dire douze pierres précieuses valant chacune la rançon d’un roi. Sir John Cranston devait se charger du trésor et le remettre à la Tour. Mais le navire de guerre de Cranston, Le Chant de l’épée, fut attaqué et coulé; le Coffret disparut sans laisser de trace. Depuis 18 ans, celui qui est devenu le coroner principal de Londres continue à flairer des pistes. Deuxième problème, qui va rapprocher Cranston et le frère Athelstan, le dominicain est convoqué à l’église de St Benet de Queenhithe pour enquêter sur le meurtre du père Reynaud et de Daventry, l’homme du riche seigneur d’Arundel, qui était venu rencontrer le père Reynaud. Par ailleurs, un coffre a été vidé de son argent et, surtout, un cadavre n’est plus dans son cercueil, il semble avoir été enlevé, et ça c’est un geste très audacieux puisqu’il s’agit du cadavre de la mère d’un des plus puissants gangs de la métropole, celui de Simon Makepeace, alias le ‘Boucher’. Et cela, alors que toutes les portes de l’église sont barrées de l’intérieur.

L’enquête n’est pas facile dans cet environnement macabre et décadent où les délinquants violents s’ébattent dans la fange, où les rats énormes se disputent des morceaux de viande avariée et où les putes immondes collectionnent les pires maladies. Les lecteurs qui ont trouvé dégueulasses les bords de la Tamise à l’époque de Holmes ou de Pitt n’ont rien vu. La subtilité d’Athelstan et la brutalité de Cranston suffisent à peine à se frayer un chemin dans la tourmente. Comment ces deux problèmes se rejoindront-ils et pourront-ils être solutionnés?

Les descriptions précises, et quasi complaisantes, de cette ville alors décadente, ne manquent pas de réalisme : le lecteur a l’impression de se salir en tournant les pages. On reconnaît la compétence d’un prof méticuleux dans la description aussi des personnages sinistres et pitoyables, victimes d’un après-guerre et d’un système féroce d’exploitation sociale. Il n’est pas facile d’ailleurs de traverser les cent premières pages où trop peu de dialogues ne nous permettent pas de sortir d’une atmosphère insoutenable.

Malgré tout, et en dépit d’un grand nombre de personnages, l’enquête suit son cours et Athelstan finit par élucider les meurtres de l’église, tandis que sir John Cranston trouve enfin la solution (et les pierres précieuses qui le tourmentaient depuis presque 20 ans).

Bonnes descriptions, enquête cohérente et solutions satisfaisantes, en plus de deux enquêteurs originaux. Et pourtant, j’ai eu de la misère à passer à travers le roman : on est malheureusement loin du rythme et de la subtilité du Cadfael d’Ellis Peters ou de la clarté des intrigues dénouées par la persévérante sœur Fidelma de Peter Tremayne. Ça me faisait penser à des profs de bonne volonté qui s’efforcent de tout dire. Pour le lecteur (ou l’étudiant), l’absorption est difficile.

Doherty publie tellement et semble avoir tellement de succès que le commentateur ne peut pas ne pas se demander si le problème ne vient pas de lui.

Extrait :
– Il a disparu ! Regardez, il a disparu !
Ils se réunirent autour du cercueil et le regardèrent, horrifiés. Le drap mortuaire d’or et de pourpre avait été jeté au sol. Le couvercle déboulonné et lancé un peu plus loin mais, plus surprenant encore, le cadavre sans son linceul avait disparu. Il ne restait plus que le capitonnage blanc, parsemé de fragments des herbes dont on avait saupoudré le corps. Cripplegate aperçut un morceau de parchemin crasseux épinglé sur le couvercle. Il le détacha, le porta à ses yeux et lut : « Cinquante couronnes d’or pour le rendre, sans ruse et sans tromperie, à l’heure et à l’endroit que je choisirai. »
– Par tous les saints ! murmura-t-il, c’est une fortune de roi ! Mais pourquoi tout ça ? Qui est responsable ? Quel…
Un cri perçant poussé par Martha lui coupa la parole. Ses pas l’avaient porté vers la petite porte donnant sur le cimetière, puis elle était entrée dans une des chapelles du transept nord. Comme les autres, dédiée à un saint local, elle était petite avec des tapis au sol et tout le mobilier nécessaire. Martha était debout, couvrant sa bouche et son nez d’une main, le doigt pointé sur le père Reynaud, assis dans la chaire de confession juste à l’entrée. Le vieux prêtre était écroulé sur son siège, son visage blême convulsé dans la mort causée par une blessure fatale, un profond et terrible coup porté à gauche de la poitrine.

Coffret les douze apôtres

Niveau de satisfaction :
3 out of 5 stars (3 / 5)

 

 

Ce contenu a été publié dans Britannique, Enquête, Historique, Moyen. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.