Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale :
2020 (When These Mountains Burn)
Date de publication française :
2022 – Sonatine Éditions
Traduction (anglais États-Unis) : Fabrice Pointeau
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Raymond Mathis, retraité dans les Appalaches – Denny Rattler cambrioleur toxicomane
Raymond Mathis, constate qu’une fois de plus le garçon est venu le cambrioler. Le garçon c’est son fils Ricky, 41 ans, drogué et alcoolique. Quand celui-ci est en manque et qu’il n’a plus d’argent pour s’acheter la drogue, il débarque chez son père pour rafler tout ce qu’il peut revendre ensuite pour se procurer la came. Un autre soir Ray reçoit un coup de téléphone lui demandant 10 000 dollars, somme que son fils doit à un dealer. « Payez-moi mon dû ou enterrez votre fils » tel est le marché qu’on lui met en main. Ray paie et demande au dealer de ne plus rien vendre à son fils. La suite ne sera pas celle qu’il souhaitait.
Le roman a comme décor les Appalaches. Un endroit qui serait magnifique s’il n’y avait pas les incendies qui ravagent la chaîne des montagnes, des milliers d’hectares en flammes et pas une goutte d’eau. La fumée couvre le paysage d’un voile jaunâtre, de la cendre tombe du ciel et une odeur âcre flotte dans l’air. Mais un autre fléau gangrène le pays : la drogue. La drogue qui permet d’oublier la misère sociale, de s’évader de ce monde un petit moment, rien qu’une minute, juste le temps de respirer. La drogue, cause de la déchéance et de la mort de certains mis aussi de l’enrichissement d’autres.
Dans cette atmosphère, Ray est un homme de l’ancien monde, celui où il y avait des valeurs et où existait la solidarité. Mais ce grand gaillard de 1,95 mètre et de 130 kilos n’est pas figé dans la nostalgie en soupirant que c’était mieux avant. Quand les évènements deviennent insupportables pour lui, il réagit à sa façon : à l’ancienne, avec fusil d’assaut et nitroglycérine. Ce qui va contrarier les plans des trafiquants bien sûr, mais aussi de la DEA (La Drug Enforcement Administration) qui mène depuis longtemps une opération d’infiltration des milieux du trafic de drogue pour remonter au plus haut niveau de l’organisation.
Denis Rattler est un drogué qui se paie ses doses par des cambriolages astucieux. C’est un gars désenchanté, solitaire qui n’attend rien de personne sauf de sa sœur, la seule personne à qui il reste attaché. Quand elle est menacée, lui aussi réagit à sa façon.
À noter la postface au vitriol, intitulée Génération opioïdes. David Joy se livre à une charge féroce contre les laboratoires pharmaceutiques : quand je repense à ce qui a défini ma génération, je ne vois pas tant la musique et les vêtements, le grunge et le hip-hop, les jeans baggy et les casquettes de base-ball serrées que la naissance de « Big Pharma ». L’auteur développe ensuite la façon dont les labos ont rendu l’Amérique accro aux opioïdes. Les premières drogues que nous avons prises nous ont été données par des médecins. L’auteur n’y va pas par quatre chemins, il accuse les labos d’avoir drogué la population pour accroitre leurs bénéfices.
Nos vies en flammes n’est pas un gentil polar distrayant, c’est un roman sombre, âpre. C’est le genre de fiction qui s’appuie sur des réalités pour donner une image crue, dramatique, d’une société américaine à la dérive. Un roman dans la tradition des meilleurs romans noirs américains.
Extrait :
Ray se souvenait de l’ancien temps, il se souvenait de son enfance, quand Dottie avait eu besoin d’un nouveau toit et que la population s’était réunie et l’avait construit de ses mains en un week-end avec le sourire et le ventre plein, et des rires dans la gorge. Ils l’avaient simplement fait parce qu’ils étaient voisins et qu’il fallait le faire. Désormais, les gens ne connaissaient même plus le nom de leurs voisins, et le pire était qu’ils ne voulaient pas le connaître. Ils liquidaient leur héritage et le rachetaient sous forme d’autocollants pour les pare-chocs. Ils se pavanaient vêtus de tee-shirts ornés de bocaux et portant les mots « SOUTHERN CHARM » avec une fierté désenchantée, croyant sincèrement que ces deux mots et cette image représentaient l’endroit d’où ils venaient.
Ils avaient tous fui et s’étaient abandonnés.
Ils avaient fui et abandonné le meilleur d’eux-mêmes.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)