Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2022 (LBS Éditions)
Genres : Roman noir, sociétal
Personnages principaux : Léa, Gloria et Leila, trois jeunes femmes qui ont décidé de réagir contre le harcèlement masculin
Elles sont trois jeunes femmes de moins de trente ans que les circonstances ont réunies. Elles ont en commun d’être maltraitées par des hommes. Après avoir beaucoup discuté, pleuré et picolé, elles se retrouvent liées par une sorte de communauté de souffrance et une amitié forte. Après une bonne cuite, elles décident que tout ça a assez duré, qu’il faut réagir : pour commencer elles font foutre une bonne raclée à celui qui a frappé l’une d’elles. Maintenant qu’elles ont fait le premier pas dans la rébellion, elles continuent les actions punitives contre les hommes qui harcèlent les femmes, contre les porcs. Leur exemple fait des émules, partout les femmes entreprennent des actions vengeresses. Le rapport de force est inversé, les hommes se sentent menacés. C’est le chaos, les autorités sont dépassées, les médias sont en effervescence. Le patriarcat va réagir.
Les trois femmes mises en scène par l’auteur n’ont au départ rien en commun :
- Léa, 28 ans, est journaliste d’une grande radio parisienne. Elle a des yeux de biche et des rondeurs féminines qui attirent le regard des mâles.
- Gloria, elle aussi a des rondeurs, trop : 90 kilos pour 1,75 mètres. Elle n’est pas bien dans sa peau mais ça ne se voit pas car elle cache son manque de confiance en elle par sa gouaille. Elle passe pour une grande gueule alors que c’est une grande sensible.
- Leila est une beurette qui a du mal à supporter un frère qui s’est radicalisé en prison et qui maintenant brandit le coran et passe son temps en prières. Heureusement pour elle, il y a Joseph, son amour, champion de boxe, noir.
Pour des raisons différentes ces trois femmes vont être humiliées par des hommes. Elles vont réagir ensemble. C’est avec verve et humour que l’auteur nous entraîne dans une chasse aux porcs bien réjouissante et stimulante. Mais les hommes peuvent compter sur les institutions patriarcales pour rétablir un ordre établi des siècles durant.
L’écriture est sans fioritures, directe, proche du langage parlé, elle est crue, parfois même grossière, l’auteur appelle une chatte une chatte. Cela donne au roman dynamisme et tonicité. Il y a une multitude de phrases chocs qui font mouche.
Mais si l’on sourit et rit souvent de bon cœur, Mathieu Blard sait aussi nous faire ressentir la part de tendresse, de sensibilité et de douleur, qu’il y a chez ces trois nanas cabossées. C’est tantôt jubilatoire, tantôt grinçant. La partie finale est même empreinte d’une amertume qui fait de cette fiction un roman noir et non une gentille comédie marrante.
#Défonce ton porc est un bon roman noir, original et féministe, écrit par un homme, dans un style brut de décoffrage bien masculin.
Extrait :
Lettre des chiennes à leurs maîtres
C’est fini, de dormir tranquilles, enfoirés. C’est fini, de nous zieuter comme de la barbaque, nous siffler dans la rue, nous demander nos téléphones comme si vous vouliez nous les tirer en plus de nous sauter. C’est fini de négocier nos augmentations contre un coup de queue, d’écouter passivement de vieux criminels déblatérer sur la chute du mâle blanc, de laisser les éditorialistes raconter qu’on aime ça, se prendre des mains au cul. C’est fini de nous garder à demeure, de nous voiler de force, de nous prendre pour des connes tout juste bonnes à faire des nouilles. C’est fini de raconter vos vannes de merde où on conduit comme des tanches et on sait pas faire une addition. C’est fini de monnayer nos culs, de tirer profit de nos larmes et de notre cyprine. On ne donnera plus rien …
Défonce ton porc
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)