Monsieur Hämmerli – Richard Ste-Marie

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2022 (Alire)
Genre :
Psychologique
Personnage principal : Monsieur Hämmerli, tueur à gages

Il y a toujours quelque chose d’original dans un roman de Ste-Marie, probablement parce qu’il a passé plus de quarante ans à fréquenter les artistes et qu’il est peintre lui-même. Inventer un policier passionné de Schubert et de Darius Milhaud et qui, passé 45 ans, devient étudiant en philosophie, c’est peu banal.

Dans ce roman-ci, Francis Pagliaro ne fait que passer, le temps de déduire que c’est le pianiste russe Evgeny Kissin qui joue (CD) une Étude de Scriabin dans le bar à Roger, le Bar de la faillite. Roger est justement le bon ami du Gros Luce et de Monsieur Hämmerli, qui est au centre du récit comme le titre du livre l’indique. Hämmerli est un type assez sympathique, mais c’est un tueur à gages. Il tue des gens qui semblent le mériter (un prêtre pédophile, un escroc, un mourant qui trouve que l’aide à mourir n’est pas pressée…), mais il ne leur demande pas leur avis. C’est lui qui nous raconte quelques tranches de sa vie en illustrant certaines caractéristiques de son métier.

Un de ses contrats risque, toutefois, de changer sa vie : la cantatrice Donatella Bartolini lui offre de la tuer parce qu’elle est gravement malade, qu’elle se sent dépérir et qu’elle ne veut pas supporter une lente et douloureuse agonie. Mais Hämmerli se nourrit de l’art lyrique en général et des interprétations de Bartolini en particulier. Il refuse donc de la tuer. Plus précisément, Hämmerli et Donatella s’entendent sur une sorte de pacte : chaque soir, il vient écouter de la musique avec elle, cinq CD au maximum; si elle parvient à rester éveillée, il remplira sa mission à l’aube. Même s’il continue à tuer quelques personnes de temps en temps, Hämmerli passe ses soirées avec la Diva à boire du scotch et à écouter de la musique. Y a de quoi changer un homme. Mais Hämmerli ne sait vraiment pas quoi faire d’autre que de tuer du monde.

Ce roman est le résultat d’un travail de synthèse que Ste-Marie a réalisé à partir de cinq nouvelles publiées dans la revue Alibis entre 2010 et 2015. On retrouve plusieurs allusions culturelles, comme d’habitude, de Gaston Miron  à Céline Dion, en passant par Chopin et Vivaldi; par contre, on est surpris par une sorte d’humour un peu facile, surtout quand les trois amis (Hämmerli, Gros Luce et Roger) se retrouvent au bar. Le défi est de rompre avec la monotonie du sujet (les meurtres répétés d’un tueur à gages); la longue aventure avec la Diva sert un peu à ça aussi. Comme ça arrive souvent chez Ste-Marie, on dérive un peu vers le psychologique.

C’est distrayant et bien écrit, mais je ne recommanderais pas aux lecteurs qui ne connaissent pas Ste-Marie de commencer par ce livre.

Extrait :
« Vous êtes un peu en avance, Monsieur Hämmerli !
Donc… c’est vous !?
La cliente ? Oui, c’est moi. J’ai préparé votre enveloppe. Dix mille dollars, comme convenu. »
Elle a déposé l’enveloppe sur la table basse devant un grand fauteuil en cuir placé au centre de la pièce, à l’endroit idéal pour écouter la musique. J’étais un peu interloqué, je n’avais pas l’habitude à cette époque-là de suicider les gens.
« Avec quoi allez-vous me tuer, Monsieur Hämmerli ? »
Je suis resté sans voix.
« C’est Charles mon nom, j’ai dit en m’efforçant de surmonter ma surprise devant son aplomb. Monsieur Hämmerli, c’est mon nom de code, et pour vous tuer, on n’en est pas encore là… »
La dame me prenait au dépourvu.
« Écoutez… Madame… J’aimerais savoir d’abord pourquoi une cantatrice riche et célèbre comme vous veut mourir. Et pourquoi de cette façon ? »

La Diva

Niveau de satisfaction :
3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

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