Le Grand Soir – Gwenaël Bulteau

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 – La Manufacture de livres
Genres :
Roman social, historique, roman noir
Personnages principaux :
Lucie, jeune femme issue d’une famille riche – Sorgue, militante révolutionnaire – Leroy secrétaire et garde du corps de Sorgue

Le 22 janvier 1905 une foule d’ouvriers et de prolétaires assiste aux funérailles de la Louve. Elle accompagne le modeste cercueil recouvert d’un linceul rouge de Louise Michel, figure majeure de la Commune de Paris. Jeanne, jeune femme de bonne famille, se mêle au cortège. C’est là qu’on la verra pour la dernière fois. Personne ne sait où elle est passée, ni sa famille, ni la police. Sa cousine Lucie n’accepte pas cette disparition inexpliquée, elle se lance à sa recherche dans les quartiers populaires de Paris. Pendant ce temps, un peu partout en France éclatent des grèves. Des mouvements de revendication pour de meilleures conditions de travail agitent aussi le monde des ouvriers et des mineurs. Les femmes, elles aussi, entrent dans le mouvement. Sous le conduite de Sorgue, une militante qui est de toutes les batailles, elles obtiennent des succès retentissants, notamment aux caves de Roquefort. Les syndicats prévoient une convergence des manifestations le 1er mai à Paris. Ce sera le Grand Soir.

L’auteur place son intrigue dans la période qu’on appelle la Belle Époque qui va en France de 1890 à 1914. Cette période est souvent vue comme un âge d’or. C’était peut-être le cas pour le patronat et la bourgeoisie mais l’auteur montre que pour les prolétaires exploités jusqu’à l’os, c’est une période de luttes pour acquérir de meilleures conditions de travail. Quand, à Courrières dans le Nord, plus de mille mineurs sont tués dans une explosion, la grève se répand et les affrontements avec la police et l’armée deviennent fréquents. Partout en France se déroulent des manifestations de soutien aux mineurs et un mot d’ordre s’impose : pas plus de huit heures ! Après huit heures, je quitte l’atelier ! Au bout de huit heures, je dis merde à mon chef ! Huit heures ! Chez les femmes des meneuses réclament l’égalité entre les hommes et les femmes et pour y arriver la première mesure à prendre est d’accorder le droit de vote aux femmes. Mais les grèves et les manifestations sont sévèrement réprimées et les leaders surveillés et arrêtés. Le Grand Soir est un rêve difficile à réaliser.

Bulteau fait la part belle aux femmes, déterminées et courageuses, elles sont souvent sur le devant de la scène : – Louise Michel, l’icône de la Commune qu’on enterre – Jeanne et Lucie Desroselles issues de riches familles mais séduites par les idées de justice et de liberté – Sorgue, activiste révolutionnaire, au soutien de toutes les luttes – Madeleine Pelletier, médecin et féministe, milite pour le droit des femmes.

L’auteur développe aussi une enquête, il y en a même deux : une sur la mystérieuse disparition de Jeanne, la fille d’un riche industriel et une autre sur l’assassinat d’un mineur à Courrières, mais elles passent au second plan par rapport à la description du contexte historique et social.

Gwenaël Bulteau fait revivre une Belle Époque bien différente de l’image qu’on en a en général : une période de modernité et d’insouciance. Ce roman montre qu’au contraire cela été une période d’âpres luttes pour le progrès social des prolétaires.

Extrait :
Le Grand Soir n’avait aucune chance d’arriver, il l’avait compris depuis longtemps. Les ouvriers s’illusionnaient d’un avenir meilleur avant de retomber dans le néant du quotidien. C’était peut-être ce dont ils avaient besoin pour survivre, une aspiration commune, ouvrir une parenthèse d’espoir même si le pouvoir la refermerait les armes à la main. Leroy ne participerait pas à la répression. Il laissa la préfecture derrière lui et pour la première fois depuis longtemps, une sensation de légèreté s’empara de lui.

Catastrophe minière de Courrières, 10 mars 1906

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

Ce contenu a été publié dans Français, Historique, Remarquable, Roman noir, Social. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.