Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023
Date de publication française : 2023 – Rivages/Noir
Traduction (espagnol Argentine) : Alexandra Carrasco et Georges Tyras
Genre : Roman noir
Personnage principal : Reiser, vieil homme au lourd passé – Zupay, homme de main de narcotrafiquants
Tout est parti en couilles en sept coups de fusil.
Sept coups de fusil plus tard, l’avion Cessna qui transportait des narcotrafiquants ainsi qu’une cargaison de cocaïne lâchait, par ses portes ouvertes, une pluie de ballots de drogue au-dessus de la campagne qu’il survolait avant de se crasher. Cette manne tombée du ciel représente l’espoir d’une vie meilleure pour certains, mais c’est aussi un manque à gagner considérable pour les trafiquants. Ces derniers missionnent Zupay, leur plus redoutable homme de main, pour récupérer le magot égaré. Les heureux gagnants de ces cadeaux inespérés n’ont pas l’intention de les rendre, mais Zupay sait trouver les arguments imparables pour qu’ils restituent leurs lots.
Les personnages sont nombreux, mais deux dominent : – Reiser, un homme âgé, mais encore plein de ressources, dont le passé est plein de violence et de souffrance – Zupay, homme de main féroce et cruel qui ne recule devant aucune atrocité pour obtenir ce qu’il veut. Ces deux hommes ont en commun d’être des experts dans le maniement des armes et d’avoir un certain nombre de cadavres derrière eux. D’autres protagonistes sont des gens modestes pour qui ce cadeau providentiel d’un sac de drogue qui a atterri chez eux représente l’espoir d’un meilleur avenir, ailleurs où l’existence est plus facile. Il a aussi quelques mafieux qui s’engraissent dans le commerce illicite ou en exploitant la misère humaine.
Le roman débute fort. Nous sommes immédiatement au cœur de l’action avec cet avion en détresse qui survole la campagne en lâchant un chapelet de sacs de cocaïne avant de s’écraser au sol. La suite baisse d’un ton. On se perd un peu dans des allers-retours entre le passé et le présent censés nous éclairer sur la personnalité et l’histoire des personnages. Le problème est qu’après un départ canon plein de punch, l’auteur s’enlise dans la description des bordels et des clubs de strip-tease qui contribue, certes, à créer une ambiance, mais qui fait perdre à l’intrigue une bonne partie de son intensité. Quelques scènes de torture bien horribles menées par Zupay, l’artiste dans ce domaine, viennent secouer le lecteur. L’intensité, on la retrouve dans la partie finale dans l’affrontement sauvage qui vire au western moderne et sanglant.
Notre dernière part de ciel est un roman noir (très noir), fidèle aux codes du genre, il se distingue par un début et une fin très percutants, la partie centrale étant plus ordinaire.
D’après la présentation de l’éditeur, Nicolás Ferraro, né à Buenos Aires en 1986, est considéré comme l’étoile montante du roman noir argentin.
Extrait :
Il a pressé des tas de boutons. Tiré sur le manche. Juré copieusement. Les voyants se sont allumés et mis à clignoter comme un sapin de Noël. La came en suspension dans l’air leur engourdissait la tronche. L’avion de tourisme poursuivait sa descente, ballotté par un fort roulis. Le fusil a pris la tangente. Les portes battaient de l’aile comme un oiseau pris au piège.
Keegan avait failli être aspiré par le vide en s’efforçant de les fermer. Il a regardé les pains de drogue dégringoler, s’éloigner, rapetisser, soulever des nuages de poussière au sol, se perdre dans la campagne, atterrir sur le plateau d’un pick-up dans une ferme perdue, et il s’est rappelé un film sur des bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale. Des villes rasées sous des bombes de cinq cents kilos. Il en a presque ressenti les explosions sur ses épaules.
Niveau de satisfaction :
(4 / 5)