Mekiro – Robin Fischhoff

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2023 – Plon
Genres : Enquête, fantastique
Personnage principal : Capitaine de gendarmerie Keller

Dans l’archipel des Gambier, en Polynésie française, un cadavre affreusement mutilé a été retrouvé dans une église abandonnée d’une île. Le capitaine de gendarmerie Keller est envoyé sur place pour enquêter. Dans une ambiance toxique, Keller va être confronté à des phénomènes étranges. Le monde raisonnable semble disparaître et laisser la place à un autre monde inconnu et mystérieux. Le capitaine s’obstine cependant à investiguer, mais il va être confronté à des forces qui le dépassent. Son enquête va être menacée et lui-même sera en grand danger.

L’enquête débute de façon presque ordinaire. Cependant l’environnement est particulier : un lagon d’une beauté macabre dans lequel règne une odeur de pourriture avec des poissons morts dérivant au fil de l’eau. Voilà pour le décor. L’ambiance n’est pas plus réjouissante : bien que des missionnaires catholiques aient évangélisé l’archipel, les croyances anciennes persistent. La pourriture ambiante, la lente mort du lagon serait l’œuvre d’une divinité maléfique, mi-homme, mi-bête, l’un des gardiens du monde d’en bas. Car, effectivement, Keller va devoir poursuivre ses investigations dans un monde différent du nôtre : le monde souterrain. Le roman policier bascule alors dans le fantastique. Les gendarmes n’ont pas l’habitude d’être confrontés à des assassins venus d’un autre monde. Keller en est perturbé, on le comprend, on le serait à moins. Cependant, comme c’est un tenace, le surnaturel ne l’arrête pas, il continue son enquête.

Au passage, nous en apprenons beaucoup sur les croyances, les coutumes et l’économie de la Polynésie française. C’est à mettre au crédit de l’auteur.

Lorsque j’ai acheté ce livre, j’ai été attiré par son côté étrange et hors des sentiers battus. Un peu d’exotisme n’est pas pour me déplaire. Je ne savais pas que ce roman avait obtenu le Prix du roman de la gendarmerie nationale. Lorsque je l’ai appris, j’ai été très surpris que les gendarmes, qui ne sont pas réputés pour être particulièrement fantaisistes, aient attribué leur prix à un roman fantastique. Et puis j’ai compris : son auteur est officier de gendarmerie. Les gendarmes ont donc récompensé un des leurs. Cet entre-soi n’enlève rien au mérite de l’auteur d’avoir osé écrire un tel roman, mais il n’est pas certain que s’il avait été écrit par un civil, il aurait été choisi par les gendarmes pour se voir décerner leur prix.

Mekiro est un roman écrit par un gendarme, mettant en scène un gendarme, il a été récompensé par les gendarmes qui lui ont attribué le Prix de la gendarmerie nationale. Toutefois, vous pouvez prendre du plaisir à le lire, même si vous n’êtes pas gendarme, à condition de ne pas être allergique au fantastique.

Extrait :
Je fis à Henri un rapide résumé de mes recherches sur les Gambier, sur la famille Clairvoye et lui confiai, bien entendu, l’effroyable rencontre avec la créature d’Aukena, celle que je retrouvais étrangement gravée sur les murs de la caverne. Henri ne disait rien. Il continuait inlassablement à malaxer sa mixture. L’ondoiement des flammes derrière nous projetait des ombres sur le fond de la grotte, des formes biscornues qui nous ressemblaient partiellement, ou peut-être étaient-ce des monstres sortis du monde inintelligible…
« C’est le Hakanaii, reprit-il soudainement, la créature à laquelle tu es confronté ! Divinité maléfique, mi-homme, mi-bête, il est l’un des gardiens du monde d’en bas. Un rôdeur… Son apparition, cette pourriture ambiante, la lente mort du lagon témoignent de l’Uputa.
— L’Uputa ?
— C’est l’ouverture, le passage vers le Pô, le monde souterrain. »

Mangareva – Ile principale des Gambier

Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)