Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023 – Rivages
Genre : Thriller géographique
Personnages principaux : Judith, romancière – Charles, ancien commando – Marc-Antoine, étudiant à la recherche d’un manuscrit ancien
Charles, ancien commando des forces spéciales en Afghanistan, s’est reconverti en vigneron dans un petit village de Bourgogne. Un beau jour, il voit débarquer dans la cour de sa ferme une longue femme brune dans une Porsche d’une rose brillant. C’est Judith Tissot, une romancière à succès. Elle se dit d’abord intéressée par son vin et demande à lui acheter quelques bouteilles. Ensuite, elle avoue le but réel de sa visite : lui proposer d’être son guide en Afghanistan, où se situera son prochain bouquin. Après avoir refusé dans un premier temps, Charles finit par accepter. Mais derrière les raisons officielles de ce voyage se cachent en réalité d’autres motivations pour Judith. De même pour Charles qui voit là l’occasion de régler quelques comptes anciens. Dans un pays en guerre où les talibans gagnent de plus en plus de terrain, l’expédition ne sera pas une sinécure.
Ce qui ressort comme une évidence à la lecture de ce roman c’est la connaissance profonde de l’Afghanistan que possède l’auteur. Il ne perd pas une occasion d’en décrire sa géographie, ses montagnes, ses fleuves, ses villes, ses provinces, son climat, son histoire, sa culture, ses traditions, sa démographie, ses langues … bref, tous les aspects de ce pays sont décrits de façon savante. Mais si le cadre de ce roman est bien réel et s’il s’inspire de faits authentiques, c’est une œuvre de fiction mettant en scènes des personnages imaginaires.
Judith est une romancière qui a rencontré le succès, elle a raflé pas mal de prix littéraires, elle a été invitée dans tous les grands médias où elle a joué de son charme : de grands yeux magnifiques, sourire ravageur, minijupe et décolleté plongeant. Le talent plus la séduction en ont fait une écrivaine star. Elle tient beaucoup à ce qu’on prononce écrivaine et pas écrivain comme le dit Charles, qui, lui, ne s’embarrasse pas d’une telle nuance. Mais en situation difficile ou périlleuse, Judith montrera un tout autre visage : moins sûre d’elle, plus fragile, mais plus déterminée. Elle révélera aussi le vrai objectif de son voyage.
Charles a été un de ces militaires des forces spéciales envoyés en Afghanistan à l’époque de l’invasion soviétique pour faire du renseignement, conseiller les chefs de maquis afghans et à l’occasion leur livrer des armes. Il a été proche du commandant Massoud. Il connaît bien l’Afghanistan et il a conservé quelques contacts bien utiles. Lui aussi avait une idée derrière la tête en acceptant l’offre de la romancière. Judith l’a surnommé Grosse Braguette à cause de sa voix de Jupiter qui semble jaillir tout droit de ses testicules. Un peu macho, Charles, mais pas trop, Judith réussit à l’amadouer la plupart du temps. Charles et Judith c’est un peu l’Ours et la Poupée. Leur relation, souvent conflictuelle, varie entre l’irritation, l’admiration et l’affection.
Bien que n’ayant rien à voir avec les précédents, un autre personnage entre sur cette même scène : Marc-Antoine. C’est un étudiant lunaire qui veut retrouver le manuscrit en pachto qu’un poète avait été contraint d’abandonner dans un sanctuaire de la vallée de la Kunar infestée de talibans. La dure réalité va se rappeler à ce doux illuminé.
Une intrigue solide avec du rythme et de l’action, des personnages convaincants et attachants qui évoluent dans le cadre d’un pays en guerre font de ce roman une œuvre à la fois instructive par la qualité des descriptions de l’Afghanistan et divertissante par toutes les nombreuses péripéties vécues par les protagonistes.
Extrait :
Jusqu’alors, je ne savais pas exactement pourquoi j’étais venue en Afghanistan. Pour écrire l’histoire de Roxane et d’Alexandre ? Pour capturer l’Hypnotiseur ? Aujourd’hui, je sais que je suis venue ici pour le tuer. Ce qui est incroyable, c’est qu’il me fait peur, mais pas au point de m’arrêter. Ce n’est qu’un petit manipulateur fanatique, pas un guerrier. Je le traquerai et je le tuerai.
Mais où trouver l’Hypnotiseur dans ces tourbillons de poussière ? Au cœur de la fumée et des explosions, toutes sortes de cris entrent en fusion. On n’entend plus du tout la musique. Elle s’est arrêtée après nous avoir conduits aux portes de l’enfer, remplacée par le soleil. Ses rayons percent les brouillards comme des glaives et nous aveuglent.
Jaillies de nulle part, des guitares électriques annoncent le couronnement de Satan qui s’est mis à hurler Highway to Hell, le morceau mythique d’AC/DC. Les haut-parleurs, que les hommes de Jafar ont installés sur la ligne de crête, ont une puissance démoniaque. Les djihadistes sont pétrifiés.
AC/DC – Highway to Hell
Niveau de satisfaction :
(4,4 / 5)