Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2018 (Svic)
Date de publication française : 2020 (Métailié, Points)
Traduction (islandais) : Jean-Christophe Salaün
Genre : Thriller
Personnage principal : Ursula Aradottir, ministre
Prix du polar islandais en 2019.
On s’attend toujours à ce qu’un roman islandais nous dépayse un peu. Pourtant, ce n’est pas tellement le cas : le jeu impitoyable des politiciens, les ruses cruelles des journalistes, la vie difficile des SDF, les harceleurs hypocrites des réseaux sociaux, on connaît bien ça aussi bien au Québec qu’en France. Ce genre d’histoire nous est donc assez familier.
L’auteure[1], en réalité, nous raconte plusieurs histoires qui finiront toutes par se recouper: l’histoire principale est celle d’Ursula Aradottir, femme énergique dans la trentaine, qui a longtemps œuvré dans des missions humanitaires, et qui vient d’accepter de remplacer au pied levé le ministre de l’Intérieur. On suit aussi de près les aventures de Stella, femme de ménage au ministère, aux tendances ésotériques (sa croyance au symbole magique islandais d’Aegishjalmur, le Heaume de la Terreur), soudoyée par un sombre individu pour ramasser et lui refiler les documents jetés dans la poubelle par Ursula et par le chef de cabinet Odinn. S’ajoutent à ces deux récits, celui de Marita et son mari Jonathan, accusé d’avoir violé la gardienne d’enfant Katryn Eva, et les aventures de Peter, le père d’Ursula, assassiné en prison. On pourrait compter également une partie de la vie du sympathique et excessif Gunnar, la chauffeur et garde du corps d’Ursula, et de la colérique Iris, dont la vie de couple se terminera bientôt.
Au cœur du drame, l’anxieuse, mais non démunie, Ursula, qui se rend compte que, en politique, règne la loi de la jungle. Son projet d’aider les réfugiés n’intéresse personne; le dossier sur la nationale Sud n’avance pas d’un pouce; et la promesse faite à une mère d’enquêter sur le viol de sa fille par un policier semble avoir peu de chances de se réaliser. Ursula reçoit par ailleurs des menaces de mort; un faux site internet à son nom envoie chez elle des candidats pour jouer à la violer; un SDF lui court après. Assez rapidement, elle se demande ce qu’elle est venue faire dans cette galère.
En regardant de plus près la mort de son père survenue plusieurs années auparavant, Ursula est mise sur la piste du policier qui aurait violé la jeune gardienne. De là, elle découvre une magouille politique et le rôle artificiel qu’on lui a confié. On cherche même à la tuer.
Si elle démissionne, ce ne sera pas sans pertes ni fracas.
Lecture satisfaisante. C’est bien fait, assez classique, pas de grande surprise, et une habileté certaine pour tenir tous les bouts de la chaîne.
[1] Ne pas confondre avec Yrsa Sigurdardottir, qui a écrit Succion.
Extrait :
À pas de loup, Ursula s’approcha de la porte et colla son oreille contre le battant. Retenant son souffle, elle prit garde de se déplacer le plus doucement possible afin qu’on n’entende aucun bruit de l’extérieur. Il ne pouvait s’agir d’une connaissance, tous leurs amis savaient désormais parfaitement qu’il valait mieux téléphoner avant de venir étant donné leur emploi du temps chargé. Cela ne pouvait être un démarcheur non plus, il serait bientôt 23 heures. Elle sursauta en entendant de nouveaux coups contre la porte et en sentant la vibration contre sa joue. Il n’y avait qu’une fine planche entre elle et la personne qui se trouvait à l’extérieur, et elle se demanda qui pouvait montrer un tel entêtement et continuer à frapper alors que personne n’avait répondu les deux premières fois.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)