Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023 – Actes Sud
Genres : post apocalyptique, utopie
Personnages principaux : Les habitants du village de montagne Les Serres
Le matin du 12 août, Noé ouvre les volets et reste stupéfait : devant lui s’étend un golfe immense qui va du bas du village jusqu’à un horizon où les montagnes sont devenues des îles éparses. Tout a disparu sous l’eau, plus de vallée, plus de villages ni de hameaux, de routes, de chemins. Complètement hébétés, les gens se rassemblent sur la place du village, le nouveau maire prend la parole pour dire son incompréhension du phénomène et inciter les gens à la solidarité. L’eau s’est arrêtée à huit cents mètres d’altitude, tout ce qui était en dessous a disparu, mais il reste des villes au-dessus. Plus d’électricité, plus d’internet ni de téléphone fixe, mais il reste l’eau, les sources sont intactes. Les gens vont devoir tout mettre en commun et essayer de survivre en n’utilisant que les ressources du village et travailler à refaire ensemble de la confiance.
La Montée des Eaux est un grand désastre qui va se transformer en une réussite collective. Les villageois n’ont d’autre choix que de changer de mode de vie. Plus d’individualisme, ils doivent jouer collectif s’ils veulent survivre. Personne ne rechigne, tous participent de leur mieux. La nourriture est rare et doit être économisée, comme beaucoup d’autres choses : médicaments, papier entre autres, mais la débrouillardise pallie le manque. Chacun se trouve valorisé dans son rôle et devient irremplaçable.
Le village Les Serres n’a que deux cents habitants, mais il a la chance d’avoir une formidable palette de compétences : deux médecins, une infirmière, un herboriste, une cuisinière de haut vol, des cultivateurs, des éleveurs, des bergers, des chasseurs, un groupe de jeunes élèves ingénieurs qui étaient en vacances, un maire rassurant qui en impose et une équipe municipale dévouée. De quoi faire envie à bien des localités, même avant la catastrophe.
Noé, l’herboriste, est aussi le scribe de la petite communauté. Il tient une sorte de journal dans lequel il note les évènements au jour le jour et ses impressions. Un jour il s’abîme la main droite, il doit suspendre ses écrits, mais Marie, qu’il a sauvée des eaux et qui s’est installée chez lui, accepte de poursuivre le journal. Quand la main de Noé est guérie, le journal se transforme en dialogue écrit lourd de sous-entendus amoureux, mais pour l’instant les deux tourtereaux se cantonnent à un amour courtois et platonique, c’est d’autant plus méritoire (ou ridicule) qu’ils dorment dans le même lit, mais chacun dans son duvet.
Montée des Eaux est une utopie (l’auteur préfère employer contre-dystopie) dans laquelle un cataclysme mondial transforme la vie d’un petit village de montagne. Les rapports humains deviennent plus vrais, plus profonds et sincères qu’avant le désastre. La solidarité et la force collective sauvent l’humanité. Roman optimiste, étonnant et rare dans le genre post apocalyptique.
Extrait :
C’est bizarre : autant, dans la société d’avant, on était transparent à moins d’occuper une position publique quelconque entre champion de foot, star de cinéma ou fier menteur politique, ce qui te rendait, toi, à peu près aussi importante que la fourmi de base, autant ici c’est l’inverse, les gens prennent tous une grande importance, celui ou celle qui défriche les terres vaut exactement autant que ceux qui réparent le moulin, font du bois, soignent les autres ou travaillent aux cuisines. Notre petit nombre le facilite, bien sûr, mais je crois que ça pourrait encore fonctionner si on était dix mille, en tout cas si chacun avait pris conscience qu’il est vraiment irremplaçable.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)