Le Huitième Registre-2. La Quête de l’Inquisiteur – Alain Bergeron

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2024 (Alire)
Genres : Historique, enquête
Personnage principal :
Siméon Monocrate, Inquisiteur

C’est avec un grand plaisir que j’ai traversé le premier tome du Huitième Registre. Ce deuxième tome se présente de la même façon : près de 700 pages, dont une cinquantaine indiquant les Dramatis Personae et le Glossaire. Pour mieux comprendre les particularités du récit, j’encourage le lecteur à parcourir ces sections, ne serait-ce que pour connaître les propriétés du caveh, cette infusion étonnante qui plonge nos personnages dans des transes pas toujours mystiques. On notera aussi la carte géographique des pages 644-645, qui nous permet de suivre l’itinéraire complexe de Siméon.

Siméon, Calixte et Sophia sont toujours recherchés pour avoir supposément participé aux attentats terroristes d’Aristopolis. Par ailleurs, les troubles politiques opposent les fidèles de l’Empereur aux autonomistes, dont un des plus redoutables est le général Arbitus Clemens, commandant suprême des forces d’Arcadie, qui réclame la totale indépendance des provinces du Nouveau Continent à l’égard de Constantinople, ce qui constitue une raison supplémentaire pour que Siméon et ses deux amis s’enfuient dans l’Ancien Continent.

Avant de regagner Rome, où monseigneur d’Orcanne, vieil adversaire de Siméon, vient d’être nommé Pape (Sixte Sévère), Siméon décide de faire un détour par la Britannie, où il rencontre, à Oxenberry, l’historiosophe Seymour de Glencoe, qui le renseigne sur la fameuse faille du 7e siècle,  l’existence du prophète Muhammad, et le rôle du Très Saint Ordre qui aurait fait en sorte que Muhammad devienne un prosélyte du christianisme plutôt que de fonder une nouvelle religion.

Les dernières paroles de Muhammad auraient été colligées dans le Noble Livre, à la recherche duquel Siméon se lance, tout en tentant de résoudre le problème des inquisiteurs disparus. Mais, pendant ce temps, les attentats se multiplient contre Nicomède IV. Le Clibanaire, alias Maxime Helios Callus, devenu chef des Spartaquistes, rêve de réduire en cendres l’édifice entier du Saint-Empire romain byzantin. C’est lui qui avait causé le massacre d’Aristopolis, tuant du même coup le père de Sophia, et rejetant la responsabilité sur le dos de Siméon, dont il aimerait bien, d’ailleurs, se débarrasser.

Le dernier chapitre mettra définitivement fin à ces conflits; il s’intitule Que l’on eût préféré voir se clore d’une plus heureuse façon. Façon pour le moins ambigüe, en effet. Mais qui révèle clairement où réside l’intérêt de l’auteur: il ne s’agit pas d’un roman d’aventures où, après bien des épreuves, notre héros finit pas s’en sortir victorieux. Ce n’est pas non plus un roman policier où des mystères sont éclaircis avec brio (ce à quoi pouvait toujours ressembler le premier tome); ici, trop de problèmes sont encore loin d’être réglés. Mais ça n’a pas trop d’importance. Le plaisir de l’auteur est plutôt, me semble-t-il, de nous attacher à ses principaux personnages et surtout de nous décrire dans le détail la vie dans ces villes importantes du Saint-Empire romain byzantin, particulièrement Oxenberry, Rome, Alexandrie, Bagdad et surtout Constantinople. L’historien, et même le géographe, prend le pas sur le créateur de thrillers, même s’il s’agit de villes imaginées dans une uchronie, où se répercutent des problèmes que nous connaissons bien : l’opposition entre les partisans de la science et ceux de la religion, la préférence accordée à l’expérimentation ou à la foi, la démocratie ou le despotisme plus ou moins éclairé, le fanatique et le philosophe…

Extrait :
Wu (représentante de la Sublime Alliance) :
Nos érudits considèrent que la civilisation sinanienne est infiniment supérieure à la vôtre.
─ Nos propres scholarques, répliqua Siméon, s’indigneraient d’une pareille affirmation !
─ Les nôtres leur brandiraient l’exemple des plus grandes inventions, celle du papier, de l’acier, de la poudre explosive et de la typogravure (…)  Et que dire de nos anciennes machines logiques qui ont inspiré la construction tardive de vos orgues à traitement de signes ? (…) Qui fut donc le premier explorateur à atteindre les rives du Nouveau Continent, quatre siècles avant votre Bartholomeo Die ? Le navigateur Jeng Hai, celui qui a donné son nom à l’océan qui baigne notre Sublime Alliance. Et au moment même où nous nous parlons, lequel de nos deux empires est-il sérieusement engagé dans la conquête des terres du ciel ?
─ Des quoi ?
─ Des terres du ciel. Je parle de la Lune qui nous regarde si gentiment de là-haut ce soir, mais aussi de tous les autres astres que vous vous contentez de contempler la nuit avec de risibles lunettes.

La bibliothèque d’Alexandrie

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

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