Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2011 (Drawing Conclusions)
Date de publication française : 2014 (Calmann-Lévy)
Genre : Enquête
Personnage principal : Commissaire Brunetti
C’est le vingtième roman vénitien de Donna Leon. Je me suis attaché à la ville, évidemment, et à la famille Brunetti (famille élargie comprenant Vianello et Elettra). Un peu comme on s’attache à la Londres d’Anne Perry et à la famille de Thomas Pitt et de William Monk. Pour minimiser le risque de la monotonie, Perry a créé plusieurs séries policières mettant en vedette un détective différent. Leon, au contraire, s’est appliquée à approfondir ses personnages principaux, au point de négliger quelque peu l’intrigue policière à proprement parler. La série télévisée a réveillé l’intérêt pour les romans de notre Américaine in Venise, grâce aux superbes images et aux comédiens sympathiques (à partir du cinquième épisode qui intègre un nouveau Brunetti (Uwe Kockisch) et une nouvelle Paola (Julia Jäger). Par une fâcheuse contrefinalité, cependant, on peut craindre que certains romans souffrent de la comparaison. Si Leon n’attire pas notre attention sur quelques quartiers pittoresques de sa ville et si l’enquête est dépourvue d’intérêt, il ne reste que la fréquentation des principaux personnages dans laquelle se complaît l’auteure; pour quelques fidèles inconditionnels, c’est suffisant (qu’on se réfère au compte rendu très favorable de mon collègue et ami Richard Migneault in Polar, noir et blanc); pour d’autres, c’est trop peu.
Une vieille dame, Costanza Altavilla, qui fait du bénévolat dans une maison de retraite et qui est sensible au problème des femmes battues, est retrouvée baignant dans son sang sur le plancher de son appartement par une voisine. Apparemment une mauvaise chute sur le bord d’un radiateur suite à une crise cardiaque. C’est, en tout cas, le constat du médecin légiste Rizzardi. Brunetti, troublé par un pressentiment, décide d’enquêter sur la vie et la personnalité de la signora bien tranquille.
Le roman est centré sur les états d’âme de Brunetti. Elettra est confinée à son ordi, qui va chercher les informations importantes; Vianello sert de faire-valoir à son patron; les rapports entre le vice-questeur Patta et le commissaire démontrent les habiletés psycho-diplomatiques de Brunetti, et ce n’est pas l’aspect le moins intéressant du roman. Donna Leon traite un peu du problème de la solitude et de l’exploitation des vieux, un peu aussi des hommes violents et des femmes battues; c’est bien écrit, comme d’habitude. Mais l’ensemble est lent, plutôt statique, terne.
Je crois bien que je me suis ennuyé.
Extrait :
La religieuse le surprit alors en ouvrant son livre et en se plongeant dedans. Brunetti resta assis en silence, tandis que s’égrenaient les secondes, puis les minutes. Plusieurs minutes.
Finalement, elle approcha l’ouvrage de ses yeux et dit, lui donnant l’impression de lire :
« Le regard du Seigneur est partout et contemple le mal comme le bien. » Elle regarda alors au-dessus du livre. « Croyez-vous cela, commissaire?
− Non, j’ai bien peur que non, madre », répondit-il sans hésiter.
Elle reposa le livre toujours ouvert sur ses genoux et elle le surprit à nouveau, cette fois en disant : « Bien.
− Bien que je l’aie dit, ou bien que je le croie pas? Demanda Brunetti.
− Bien que vous l’ayez dit, évidemment. Il est tragique que vous refusiez de le croire, mais si vous m’aviez répondu oui, vous auriez menti, et c’est pire. (…)
− Et le fait que je ne sois pas un menteur, quelle conséquence cela a-t-il sur cette conversation?
− Vous voulez vraiment découvrir si quelque chose de déplaisant, comme vous l’avez dit, n’est pas intervenu dans la mort de Costanza, et étant donné qu’elle était une amie, je m’y intéresse aussi.
− Ce qui veut dire que vous allez m’aider?
− Ce qui veut dire que je vais vous donner le nom des personnes avec lesquelles elle a passé le plus de temps. Et que ce sera à vous de jouer, commissaire. »