Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2014 (Liana Levi)
Genres : Thriller, fantastique
Personnage principal : Marko Voronine, immigré clandestin ukrainien
Ils sont quatre, trois hommes et une jeune fille, cachés dans le fond d’un camion, fuyant leur pays l’Ukraine, pour tenter de trouver une vie meilleure en France. Ce sont des mafieux roumains qui assurent le passage. Le voyage se passe mal, les mafieux tentent d’abuser de la fille. Les clandestins tuent un passeur et volent le camion pour rejoindre la France. Là ils se séparent pour échapper à la mafia roumaine lancée à leurs trousses. Marko Voronine se retrouve à Lorient où il se fait embaucher comme marin sur l’île de Belz. Les autres marins de Belz ne voient pas son arrivée d’un bon œil, mais son nouveau patron l’impose, il ne veut pas embaucher quelqu’un du coin. Les deux hommes finissent par sympathiser. Mais les tensions augmentent quand des évènements se produisent, annonciateurs du retour d’une sorte d’ange de la mort : l’Ankou. Peu de temps après, un marin est assassiné et sauvagement mutilé. Pour les gens du pays, l’Ankou est de retour et c’est l’étranger qui l’a réveillé.
L’originalité de ce roman tient au mélange, bien dosé, d’une actualité bien présente et de légendes ancestrales. Ainsi l’auteur montre habilement comment des pauvres bougres, comme Marko et ses compagnons, prennent des risques pour échapper à la misère en s’imaginant trouver dans un autre pays une vie meilleure. Arrivé à son but, Marko doit constater que la population locale, celle des marins pêcheurs, connaît elle-même la précarité et que dans ces conditions l’arrivée d’un étranger n’est pas la bienvenue. Plus tard ces gens le protégeront et feront preuve de générosité.
Les marins habitués au travail difficile et souvent confrontés à la mort brutale en mer d’un proche ont gardé une croyance en des forces occultes qu’ils redoutent. L’Ankou, personnification de la mort, est une de ces forces. Il se murmure même que certaines personnes auraient la connaissance pour l’invoquer et l’utiliser contre un adversaire. D’ailleurs certaines « prières » se trouvent dans le livre Légendes de la mort en Armorique dont une page a été arrachée.
La beauté sauvage des côtes et des îles bretonnes participe à créer une atmosphère trouble et dangereuse parfaitement réussie. L’intrigue va se dénouer aux Dents du diable. C’est une barre de récifs affleurant la surface mais parfaitement invisible la plupart du temps. C’est seulement pendant les marées d’équinoxe, quatre jours par an, que ces centaines de pointes acérées émergent de l’eau. Beaucoup d’embarcations s’y sont éventrées.
Au chapitre des reproches : j’ai trouvé que la petite voix intérieure de Marko (en italique) qui se fait entendre dans certaine situations, toujours négative, le met en garde, le sermonne, le critique, est un peu agaçante et n’ajoute pas grand-chose au portrait du personnage. Bien content qu’elle disparaisse à la fin. Il fallait aussi une femme dans ce roman. Et voilà Marianne ! Belle, jeune et libre, elle semblait n’attendre que Marko. Un peu plaquée, cette histoire d’amour !
Pour terminer je vais vous signaler un bon moyen de reconnaître un polar breton, même si vous ne connaissez pas l’auteur : les courses-poursuites ne se font pas en voiture, comme vu maintes fois, elles se font en chalutier ! Terminus Belz est un polar breton.
Terminus Belt est un bon premier roman, mélange réussi d’actualité et de légendes, se déroulant dans un décor maritime impressionnant.
Extrait :
– Papou, l’Ankou existe dans la tête des gens. Dans les rêves et dans les cauchemars. C’est une légende. Les hommes ont peur de la mort, alors ils lui donnent un visage. À Belz, ils ont donné le corps d’un animal. Ils l’ont imaginé, mais personne ne l’a jamais vu. C’est toi qui l’as expliqué.
– Moi, dit Papou, dont les yeux débordaient de larmes, moi, je l’ai vu. Je l’ai vu comme je te vois. À un mètre de moi. J’ai agrippé son manteau. Il m’a serré à la gorge. J’ai vu ses yeux épouvantables. J’ai senti sa puanteur.
Comme j’aime les légendes et si en plus c’est sous forme de polar, tu sais comment me parler. Chronique attirante.
Merci Carole. Si tu aimes les légendes, ici il est question de l’Ankou, la personnification de la mort. Mais chut ! Certaines personnages ont le pouvoir de l’invoquer.
Créfieu, il est dans ma terrible PAL mais je ne l’ai pas encore sorti de là !! Ils sont tellement à réclamer un droit de lecture direct que je ne m’en sors plus 😀
Merci pour la grossnik, ma Poulette 😉
Vaut mieux avoir l’embarras du choix que pas de choix du tout. Là, c’est un bon polar divertissant qui mêle actualité et légendes bretonnes.