Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2004 (Born under Punches)
Date de publication française : 2013 (Payot & Rivages)
Genres : Roman noir, roman social
Personnages principaux : Stephen Larkin, journaliste – Tony Woodhouse, ancien footballeur – Tommy Jobson, mafieux
«Les temps modernes, tels que nous les connaissons, ont débuté le lundi 28 mai 1984.»
Ce jour là le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher a maté par la violence la grève des mineurs à Orgreave dans le South Yorkshire. Les mineurs étaient en grève pour protester contre la fermeture de mines pourtant financièrement rentables. Le conflit des îles Malouines avait fait une diversion patriotique et calmé le mécontentement contre la façon de gouverner des conservateurs. Cela avait permis la réélection de Thatcher. Confortée par cette victoire extérieure, Thatcher s’est cherché une cible intérieure pour asseoir son autorité. Elle a trouvé les mineurs. Brigades anti-émeute, police montée, chiens policiers, furent utilisés contre tout ce qui avait un lien avec la grève. Les caméras de télévision éloignées, les journaux manipulés. Ce déploiement policier exceptionnel vint à bout de la résistance des mineurs. La solidarité ouvrière fut mise en échec. Le succès de l’opération modifia la mentalité des gouvernants. S’ils pouvaient faire ça impunément, alors ils pouvaient tout se permettre. Les gens auraient trop peur de perdre leur propre emploi pour se révolter. C’était le début des temps modernes.
Partant de ce contexte historique récent, l’auteur développe une histoire basée sur les évènements qui se sont déroulés à Coldwell (ville fictive), cité minière du Nord de l’Angleterre, en 1984 et vingt ans plus tard. Sobrement, les chapitres sont intitulés «Avant» et «Maintenant».
Larkin est un journaliste qui a assisté aux évènements d’Orgreave. Il rêve de faire éclater la vérité. Il écrit des articles qu’il propose à des journaux et il prépare un livre. Mais Larkin s’illusionne sur l’influence que pourraient avoir ses écrits sur l’avenir. Les journaux sont sous influence. Même quand un de ses articles est publié, son contenu est si déformé qu’il donne une vision opposée à celle qu’il souhaitait. De nombreux autres personnages interviennent dans ce roman. Tony,un ancien footballeur, dirige maintenant un centre de désintoxication. Tommy, un mafieux puissant au centre de tous les trafics, éprouve un besoin de rédemption. Louise, épouse et mère de famille, montre une image trompeuse de la réussite, en réalité elle déteste la vie qu’elle mène. Suzanne, sa fille, se livre à des expériences dangereuses avec un petit dealer qui se prend pour un caïd. Davva et Skegs, deux adolescents oisifs, occupent leur temps avec des larcins et des petits trafics. A travers tous ces personnages, Waites montre ce qu’est devenue la cité minière jadis prospère où maintenant sévit la misère et le désespoir. Le capitalisme sauvage n’aime pas les gens fiers et dignes, il préfère les pauvres et démunis plus malléables et ne pouvant s’opposer aux restructurations financières.
L’alternance des passages situés dans le présent et ceux dans le passé notés «Maintenant» et «Avant» peut entrainer une certaine difficulté à situer chronologiquement les évènements. Surtout quand dans «Avant» il y a des évènements qui sont situés après d’autres mais qui sont racontés avant. Vous me suivez ? Bref, il faut parfois faire un effort pour tout remettre dans l’ordre. Ce petit reproche n’empêche pas ce livre d’être très intéressant et d’apporter un éclairage révélateur sur des évènements historiques récents qui ont eu une influence sur le monde actuel.
Martyn Waites signe un excellent premier roman qui a quand même mis près de 10 ans avant d’être traduit et édité en France. À noter également les nombreuses références musicales aux chansons des années 1980.
Pour terminer les paroles de la chanson Miss Maggie de Renaud me reviennent en tête :
« Dans cette putain d’humanité
Les assassins sont tous des frères
Pas une femme pour rivaliser
A part peut-être, Madame Thatcher. »
Extrait :
«Tu ne peux pas regarder le passé comme si c’était une sorte d’âge d’or et le présent une simple aberration. Rien n’a jamais changé. Les riches ont toujours été riches. Les pauvres ont toujours été pauvres. Et moi, je sais ce que je préfère être.
– Ça j’en suis sûr.
– Oui, et toi aussi. L’idéalisme, c’est vraiment très chouette, mais à un moment, il faut grandir un peu et accomplir quelque chose. »
De nouveau, il sentit quelque chose s’enflammer en lui.
« C’est la deuxième fois aujourd’hui qu’on me dit de grandir.
– Ben, il est plus que temps, tu ne crois pas ?
– Il est plus que temps que quelque chose se passe, c’est sûr. J’en ai ma claque.
– Ah oui, vraiment ?
– Ouais. J’en ai ma claque de tes conneries thatchériennes et de tes connasses de copines yuppies décérébrées. J’en ai ma claque que tu ne me prennes jamais au sérieux, ni moi, ni mon travail. J’en ai ma claque de me faire prendre de haut. »
Tony avait mis une cassette.
Bruce Springsteen. « Lucky Town. »
Elle n’a pas du tout de chance, avait-il dit.
Bruce Springsteen – Lucky Town
Alors celui-ci me tente beaucoup, pas le côté politique, mais plus sur les conditions qui en a découlaient. En musique, j’avais le groupe « The Exploited » qui en avait mis plein à la tête à cette femme !
Qu’on le veuille ou non beaucoup d’aspects de notre vie dépendent de la politique. Mais rassure-toi dans ce livre il n’y a pas de revendications politiques. C’est simplement un éclairage sur des évènements historiques récents que l’auteur identifie comme étant la source d’un grand changement dans nos conditions de travail.
Il est dans ma PAL ma Poulette et j’avais oublié la Thatcher ! Elle aussi, à la fin, elle avait tout oublié. Ça me fait sourire, ces politiciens qui ont côtoyé tout les hauts placés dans le monde, la reine et tout le reste et qui à la fin, ne savent plus leur nom. Ça me peine chez le citoyen lambda mais pas chez les politiciens !
Bon, une fois de plus, les médias furent manipulées… et la politique avait gagné. Je vais aller m’offrir comme réverbère quotidien… ♫
Que ce soit un anglais qui dénonce les abus de la mère Thatcher me réconcilie avec ce peuple. Les paroles de la chanson de Renaud, particulièrement la phrase qui tu cites, avaient fait scandale en Angleterre.
Bel avis mais c’est un livre qui ne me tente pas du tout.
En tous les cas pour le moment, nulle envie de me farcir la tête avec de la politique.
Dans ce livre Martyn Waires ne développe aucune idéologie politique, il raconte seulement des faits qui se sont passés en Angleterre il y a 30 ans. Ces évènements ont changé notre vie, surtout notre rapport au travail.