Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2007 (O W and the Candlelight Murders)
Date de publication française : 2008 (10/18)
Genres : Enquête, historique, littéraire
Personnages principaux : Oscar Wilde, Conan Doyle, R Sherard
En mai 2011, je rendais compte du troisième roman de la série des Wilde, Oscar Wilde et le cadavre souriant, et, en février 2013, je commentais avec plaisir le cinquième de la série, Oscar Wilde et les crimes du Vatican. Aujourd’hui, j’aborde le premier de la série, Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles, et qu’on me permette de signaler l’enthousiaste compte rendu qu’a fait sur son blog (Polar, noir et blanc) le collègue Richard Migneault du dernier Brandreth, Oscar Wilde et le mystère de Reading. Heureusement que l’auteur encourage à les lire dans n’importe quel ordre, chaque roman ayant son autonomie propre, parce que la distribution n’est ni régulière ni uniforme.
Le récit est tiré des Mémoires de Robert Sherard (selon Brandreth), qui fut le fidèle ami de Wilde de 1883 jusqu’à la mort de Wilde en 1900. Ça se passe à Londres en 1889. Plusieurs personnages réels se mêlent toujours à l’histoire : on rencontrera ainsi Sherard (27 ans), Arthur Conan Doyle (29 ans), Constance, l’épouse de Wilde (32 et 35 ans), quelques étoiles du Music-hall et du théâtre. En toile de fond : plusieurs poètes anglais et français : Wordsworth (l’arrière-grand-père de la femme de Sherard), Dickens, Keats, Yeats, Browning (mari et femme), Baudelaire, Maupassant, le peintre Whistler. Bref, c’est certain que l’air ambiant exhale un air de littérature dont le charismatique Wilde assume avec plaisir la place prépondérante. Donc, en un sens, on pourrait dire un polar littéraire.
Ça ne signifie pourtant pas que la dimension enquête policière fait défaut : par une belle journée ensoleillée, un homme élégant et pressé grimpe l’escalier du 23 Cowley Street, à Westminster, et, en poussant une porte, découvre, à sa stupéfaction, le corps nu d’un jeune homme blond entouré de chandelles. La gorge tranchée. Le visiteur était Oscar Wilde; le jeune homme, son ami Billy Wood. Plutôt étonnant ! Et lorsque, le lendemain, Oscar emmène Sherard et Conan Doyle sur les lieux du crime, le corps, le sang et les chandelles sont disparus. On nage en plein mystère. Wilde veut éclaircir les circonstances du drame. Conan Doyle lui suggère de s’adresser à l’inspecteur Aidan Fraser de Scotland Yard, un autre Écossais. Pendant que Conan Doyle entre à Southsea pour l’anniversaire de sa femme et que Wilde ira terminer Le Portrait de Dorian Gray à Oxford, Fraser conduira l’enquête.
Mais l’enquête traîne; Fraser donne l’impression de penser que Wilde confond la réalité avec ses fantasmes. Wilde et Sherard décident de brasser un peu la cage. On interroge l’étrange bonhomme peu recommandable qu’est Bellotti. Puis, on part à la recherche de la mère de Billy, mais on tombe sur le dangereux malfrat qu’est Edward O’Donnell. Oscar semble progresser vers la vérité mais il cache beaucoup d’informations à Sherard (donc à nous), dont quelques rencontres étranges avec une dame apparemment défigurée. Quand tout semble stagner, Oscar reçoit chez lui une boîte au contenu traumatisant. L’affaire rebondit. On déniche des suspects dont les principaux disparaissent.
Enfin, après plusieurs péripéties, Wilde réunit les principales personnes liées au crime et à la disparition de Billy Wood et, dans le plus beau style d’Hercule Poirot, il abat ses cartes une à une. Enfin, la lumière luit.
Le lecteur ne doit pas chercher à lutter de vitesse ou de subtilité avec Wilde, parce qu’il garde plusieurs cartes dans ses manches. Ce n’est pas le jeu d’un défi à la Ellery Queen, qui prend le temps d’étaler toutes ses cartes même s’il nous les livre un peu mêlées. Wilde ne veut pas juste nous instruire, il veut nous émerveiller et nous séduire par son charme mystérieux. Comme Wagner qui ne se contente pas de nous éblouir et qui cherche à nous subjuguer.
C’est d’ailleurs le jeu que respecte très scrupuleusement son ami Sherard : il a du plaisir à se laisser subjuguer par Wilde. Ce dernier est parfois négligent avec lui, souvent cachotier. Nous ne le trouvons pas nous-mêmes toujours sympathique. Mais pensons comme Sherard: si la patience et une certaine abnégation sont le prix à payer pour voir de près Wilde briller de tous ses feux, alors payons, comme on supporte avec un certain sourire la vanité de Poirot, la froideur de Holmes, les déprimes de Wallander et les cuites de Rankin.
Extrait :
Plusieurs citations de Wilde rendent mieux compte de l’ambiance de ce roman qu’un long extrait.
La caricature est l’hommage que la médiocrité paie au génie.
La poésie, c’est l’émotion remémorée dans la tranquillité (Wordsworth).
La constance est l’ultime refuge de ceux qui manquent d’imagination.
Il faudrait toujours être amoureux…
Les merveilleuses mains de Constance (son épouse) tiraient du piano une musique si douce que les oiseaux cessaient de chanter pour l’écouter.
L’existence est une mer houleuse. Mon épouse est mon havre, mon refuge.
Et 1886, la seule année qui vaille pour le riesling.
On peut aimer plus d’une personne et rester fidèle à chacune.
La générosité, c’est l’essence même de l’amitié.
Les états d’âme ne durent pas. C’est là leur plus grand charme.