Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2011 (Rouergue)
Date de publication française : 2011 (Rouergue Noir) et (Babel Noir)
Genres : Roman noir, roman sociologique, enquête
Personnage principal : Fin Macleod inspecteur de police à Édimbourg
L’inspecteur Fin Mcleod doit reprendre le boulot. À la mort de son fils il avait pris un mois de congé. Sans faire de sentiment, son chef lui demande de reprendre immédiatement ou de démissionner. C’est le bon moment, le système informatique HOLMES, qui affecte les ressources sur les affaires criminelles, vient de sortir son nom pour s’occuper d’un meurtre qui a eu lieu sur son île d’origine, Lewis, dans son village natal, Crobost. Quelqu’un qui parle le gaélique comme lui est tout indiqué pour participer à l’enquête. Macleod retourne donc sur les lieux de sa jeunesse qu’il avait quittés il y a 18 ans, sans jamais y retourner. Il va renouer avec ses anciennes connaissances, notamment Artair, son meilleur ami et Marsaili, son premier amour. Tout son passé va ressurgir. Et bien sûr à un moment, la connexion avec le présent, avec l’enquête, ne manquera pas de se faire.
L’île des chasseurs d’oiseaux est le premier tome de la trilogie écossaise de Peter May. L’auteur nous fait découvrir l’Écosse et notamment l’Écosse traditionnelle, celle où l’on parle gaélique, où on se chauffe aux feux de tourbe, où on célèbre le sabbat chrétien et où les hommes vont à la chasse au guga. Le guga est le nom du fou de Bassan, en gaélique. Une tradition ancestrale veut que chaque année une douzaine d’hommes se rendent au mois d’août sur un rocher, situé à une centaine de kilomètres de l’île de Lewis, pour y prélever 2000 oisillons qui viennent de naitre. Le rocher où viennent nicher les fous de Bassan est appelé An Sgeir. C’est un lieu mythique pour les habitants de cette région d’Écosse : des falaises de 100 mètres au-dessus de la mer, battues par les tempêtes. C’est là que viennent nicher des milliers de fous de Bassan. Depuis des siècles, des hommes effectuent une sorte de pèlerinage dans des conditions très difficiles pour ramener ces oisillons dont la chair est très appréciée. C’est aussi un rite initiatique de passage à l’âge adulte pour les garçons. L’inspecteur Macleod et son ami Artair s’y sont soumis. Cela a une grande importance dans cette histoire.
Une bonne partie du roman traite de la jeunesse de Fin Macleod. Ses amours, ses amitiés, ses épreuves. Ce faisant l’auteur nous fait découvrir un pays. Il y a beaucoup de descriptions : des paysages, le climat, les traditions. Et l’enquête dans tout ça ? Elle est quasi inexistante. Tout finira pas se dénouer mais pas grâce aux investigations policières. C’est par le processus de « remonter le temps » qu’apparaîtra toute la vérité. L’identité de l’assassin est secondaire, c’est le déroulement des évènements sur quelques dizaines d’années qui est primordial. En fait c’est la vie de l’inspecteur Macleod le sujet principal et non son enquête.
L’écriture permet de créer une belle ambiance très prenante, surtout quand l’action se situe sur le rocher de la colonie des fous de Bassan : le vent, la tempête, le sol glissant, l’odeur … On s’y croirait !
L’île des chasseurs d’oiseaux est un bon roman qui risque de désarçonner un peu ceux qui attendent d’un polar une enquête bien léchée, surtout quand le personnage principal est un inspecteur de police. Plus que l’enquête, c’est le côté sociologique et noir qu’il faut retenir. C’est bon roman, point final ! Peu importe le genre.
Peter May est Écossais, il habite en France, dans le Lot, depuis une dizaine d’années. Il parle parfaitement français. L’île des chasseurs d’oiseaux a d’abord été refusé par les éditeurs anglais. C’est les Éditions Rouergue qui ont accepté de le publier, traduit en français, avant qu’il ne soit de nouveau édité en anglais.
Extrait :
Fin pouvait presque entendre la mélodie des psaumes gaéliques. Un chant tribal et étrange, sans accompagnement musical, qui, pour une oreille inaccoutumée, pouvait sembler chaotique. Il en émanait pourtant quelque chose de merveilleusement émouvant. L’esprit de la terre et du paysage, de la lutte pour la vie contre la force des événements. Il y retrouvait les gens parmi lesquels il avait grandi. De braves gens pour la plupart qui, dans la manière dont ils chantaient les louanges du Seigneur, trouvaient au fond d’eux-mêmes quelque chose d’unique, exprimaient leur gratitude d’avoir trouvé un sens à leurs vies si rudes. Rien que de s’en souvenir, cela lui donnait la chair de poule.
Psaumes gaéliques de l’île de Lewis
Je dirais même plus : c’est un remarquable roman.
Superbement bien écrit de surcroît… Rares sont les romans policiers offrant une écriture de qualité.
Puisque vous avez beaucoup apprécié ce roman, je suppose que vous avez aussi lu les deux autres tomes de la Trilogie écossaise. Autrement il n’est pas trop tard.