Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : L’édition originale de cet ouvrage paraîtra en 2017 sous le titre Perro muerto chez Mondadori
Date de publication française : 2015 chez Asphalte éditions
Genre : Roman noir
Personnage principal : Santiago Quiñones policier à Santiago du Chili
Santiago du Chili – Une descente chez les narcotrafiquants. Santiago Quiñones et son équipier Jiménez sont accueillis à coups de pistolets mitrailleurs. Santiago s’en tire mais Jiménez meurt pendant son transfert à l’hôpital. Santiago va alors découvrir que son ami défunt avait pas mal de zones d’ombre dans sa vie. Pourquoi a-t-on enlevé sa petite fille, retrouvée dans un casier de consigne automatique ? Pourquoi les gars des Affaires Internes de la police s’intéressent-ils autant à lui ? Pourquoi fréquentait-il La Nouvelle Lumière, une étrange association qui a des airs de secte ? En visitant cette association il tombe sur une amie d’enfance, Yesenia, qui habitait le même immeuble que lui. La jeune fille lui raconte une histoire terrible de viol et de séquestration. Elle finit en lui demandant rien de moins que de la débarrasser de son bourreau. Santiago ému par la fragilité de la jeune fille, avec ses airs de petit oiseau tombé du nid et aussi par l’absorption de cinq piscolas (cocktail de pisco et de Coca-Cola) accepte. Il va le tuer, ce salopard ! Mais les choses ne sont pas si simples et elles vont encore se compliquer. Finalement Santiago Quiñones va se retrouver au centre d’une sombre histoire de réseau pédophile dans lequel sont impliqués des personnages puissants qui ne lui veulent pas que du bien. Maintenant c’est sa peau qu’il faut sauver.
Le cadre du roman est la ville de Santiago du Chili présentée comme une ville grise et polluée. L’histoire est racontée à la première personne du singulier par le personnage principal, Santiago Quiñones. C’est un flic sensible qui s’émeut de la souffrance des femmes mais ce n’est pas un bon policier. Il cumule les vices et c’est un vrai junky : les clopes pour mieux réfléchir, l’alcool pour se détendre, la cocaïne pour se stimuler, les cocktails de médicaments pour se remettre d’aplomb. Il ne maîtrise pas pas grand chose dans son enquête, d’ailleurs il n’enquête pas vraiment, il est pris dans un flot d’événements qui le mettent en danger, il essaie de rester en vie. Et c’est difficile ! Il est attachant par certains côtés : un brin désenchanté, il est lucide à jeun sur le monde qui l’entoure, il éprouve de la compassion pour les gens qui souffrent et pour les femmes maltraitées. Il reste amoureux de sa femme bien que leur entente batte de l’aile. Ce qui ne l’empêche de se faire sucer par des nanas encore plus toxicos que lui avec qui il partage quelques bons rails de coke. Pas vraiment le policier modèle ! La veuve et l’orphelin ne doivent pas compter sur lui. Pas plus que sur la police en général car elle est corrompue dans sa grande majorité, mis à part deux flics intègres : Jiménez qui s’est fait descendre, et l’increvable Marcelo qui survit toujours.
Dans la dernière partie du roman, l’action s’intensifie et on bascule dans le thriller. La conclusion est à la fois douce et amère. Tout n’est pas perdu pour Santiago Quiñones mais les méchants, quand ils détiennent le pouvoir, s’en sortent bien. Comme toujours, ici et ailleurs.
Tant de chiens est un roman noir dont la noirceur et la cruauté sont atténuées par la personnalité à la fois agaçante et touchante d’un flic hors normes.
Extrait :
Penser que, parce qu’on est flic, on va lutter pour la justice, c’est aussi bête qu’imaginer que les employés des caisses de retraite s’inquiètent que leurs allocations soient insuffisantes pour survivre. Un flic n’est pas là pour faire respecter la loi. Un flic est là, comme presque tout le monde, pour exécuter des ordres, des mandats. Arrêtez tel type. Enquêtez sur tel autre. Suivez cette dame, découvrez qui a envoyé ce mail. Si on ne supportait pas les injustices dans ce monde, on ne pourrait plus allumer la télé et regarder les informations. En fait, ce qui nous préoccupe vraiment, c’est arriver à la fin du mois, en vie d’une part, avec un peu d’argent de côté si possible d’autre part. Car être vivant sans un rond, ce n’est pas être vivant.
Malheureusement, on ne peut rien faire, c’est comme pour mon grand-père, le destin m’a déjà réservé quelque chose. J’allume une cigarette, j’exhale toute la fumée, je regarde Ricardo et je prends vraiment conscience que l’héritage de Jiménez m’est tombé dessus, comme un sac de patates du cinquième étage.
« La quiero a morir ». Je m’approche de leur table pendant qu’on continue d’écouter : « Elle vit de son mieux son rêve d’opaline, elle danse au milieu des forêts qu’elle dessine, je l’aime à mourir… »
Francis Cabrel – La quiero a morir