Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2015 chez Gallimard
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Céline, jeune femme en fuite – Léopold, vieux monsieur – Josselin, homme sournois, un peu détraqué.
Un vieil homme, Léopold, charge dans sa voiture une jeune femme, Céline, qui a l’air en fuite. Elle est soulagée d’être hébergée dans la vieille ferme de Léopold. Il a dû se passer quelque chose de grave vu le pull trempé de sang qu’elle enfouit au fond de son sac. Quand elle décide de repartir, elle est attaquée par les molosses des voisins. Blessée, elle est recueillie une nouvelle fois par le vieux Léopold, chez qui elle passe quelques semaines. Lorsqu’elle repart c’est avec Léopold au plus mal, allongé sur la banquette arrière de la voiture, victime d’une crise cardiaque et crachant du sang. Elle est accompagné de Josselin, le voisin de Léopold, qui a réussi à s’incruster auprès d’elle sous le prétexte fallacieux de lui fournir de l’aide pour échapper à la vengeance de son frère, Maurice, qui lui en veut terriblement d’avoir bousillé le chien qui l’a attaquée. L’étrange trio se dirige vers un bled que Léopold veut rejoindre avant de mourir. Ce sera peut être le bout du chemin pour Léopold, mais pour Céline, les ennuis vont continuer.
L’histoire nous est racontée à trois voix : celles de Céline, Léopold et Josselin. Dès le début nous savons que Céline est en fuite, mais l’auteur entretient longtemps le mystère sur l’événement qui en est la cause. C’est seulement dans la deuxième partie du roman qu’il sera dévoilé et que ses conséquences apparaîtront donnant un autre éclairage sur le comportement de Céline. La jeune femme semble attirer les ennuis. Elle fait en permanence les mauvais choix qui compliquent encore sa situation. Léopold, lui est un vieux bonhomme qui se morfondait dans sa ferme en ruines avec pour seule compagnie le fantôme de Jeanne, son épouse décédée. L’arrivée de Céline réveille chez lui des sentiments depuis longtemps oubliés. Certains souvenirs, pas toujours agréables, vont remonter à la surface, modifiant l’image du vieil homme serviable et inoffensif qui apparaît d’abord. Céline et Léopold sont marqués par les regrets et la culpabilité. Ils ont le sentiment d’avoir manqué leur chance et de mériter ce qui leur arrive. Quant à Josselin, il se croit malin de jouer avec son image d’un grand nigaud, alors qu’en réalité il est sournois et manipulateur. Il est aussi un peu fêlé mais de cela il n’en est pas conscient. Josselin a une tendance mystique, il voit un peu partout le bras de Dieu, même dans les situations les plus horribles. Il surestime beaucoup ses capacités.
Ces trois personnages vont se rencontrer, faire un bout de chemin ensemble, pour le meilleur et souvent le pire. Il n’y pas pas de bons ni de méchants dans cette histoire. Les personnages sont des humains ni totalement admirables, ni complètement détestables.
Le cadre du roman, c’est des petits bleds de campagne austères et sans beauté. Cela contribue à créer l’atmosphère de drame rural qui imprègne le livre.
La conclusion du roman est plutôt brutale, laissant en plan la situation de façon inattendue. Au lecteur d’imaginer la suite.
Si tous les dieux nous abandonnent est un bon roman noir bâti autour de trois personnages campés tout en nuances.
Extrait :
À tout moment, j’avais au fond de moi l’envie de laisser aller, de m’allonger sur le sol détrempé par la pluie, au milieu de ces touffes d’herbe, de me coucher et d’attendre que quelque chose survienne, le visage fouetté par les rafales tombant du ciel, m’étendre sur la terre humide et laisser advenir ce qui devait arriver, ce qui ne pouvait manquer d’arriver, ce qui arriverait quoi que je fasse.
Si je tenais, alors que je sentais que j’étais à bout de force, alors que dans mes jambes, j’éprouvais une sorte de raideur qui m’empêchait de courir aussi vite que je l’aurais voulu, comme dans ces cauchemars où les choses s’échappent et se retrouvent hors de votre portée malgré tous vos efforts, si je continuais malgré l’immense fatigue et le désespoir plus immense encore qui m’avaient envahie, oui, si je tenais, c’était uniquement parce que je savais que c’était ma dernière chance, la toute dernière qui me serait offerte.
Ma note : (4 / 5)